6 RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET Des INDUSTRIES. De LUXE ves permet de les dater, en avance souvent de plusieurs années sur le moment où leurs pareils se répandent dans le public, sont reproduits par les ateliers, acceptés par le goût général. Une étude,attentivement faite de morceaux sûrement datés, que j’ai pu appliquer bien des fois aux trois règnes de Versailles. permet de résoudre mainte petite question où l’histoire précise de l’art est intéressée. Ces initiatives du service des Bâtiments du roi, qui mettaient d’abord aux ordres de Sa Majesté les inno-vations de nos artistes, n’allaient pas sans quelques sacrifices. Comme il serait vain de les déplorer, il vaut mieux en comprendre la nécessité. Si l’on détruisait fréquemment de fort belles choses pour faire place à d’autres qu’on croyait plus belles, celles-ci les ont, du moins. toujours égalées. Heureux privilège des épo-ques créatrices, qui fait excuser leurs ingratitudes ! Quand on voit jeter au grenier les boiseries, tant célé-brées à la fin de Louis XIV, du sculpteur Du Goulon, pour être remplacées parcelles de Verberckt. on songe aux fresques de Piero dei Francesciti dans les Cham-bres Vaticanes. où Raphaël. commandé par Jules Il, les a recouvertes sans pitié. Les ordres (lu maitre qu’in servait alors étaient naturellement dictés par le renou-vellement continu du goût et le souci de soutenir l’effort légitime des nouveaux venus. C’est grâce à ces sacri-fices, souvent cruels, que l’art cheminait sans se fixer en formules, sans s’appauvrir par des répétitions indé-finies. Ces constatations de l’histoire comportent des aver-tissements pour tous les âges; et ce n’est point parce que nous prêchons l’étude de Versailles que nous vou-drions voir les artistes modernes lui demander autre chose qu’une inspiration et une méthode. Qu’ils créent librement, suivant les lois de notre génie, mais après avoir regardé sans dédain les grandes oeuvres de la race et en avoir dégagé l’enseignement impéris-sable qui est applicable à tous les temps. • L’architecte préféré de Louis XV nous parlera, pour sa part, si nous savons le bien entendre, avec une force singulière. Il nous apportera assurément beaucoup plus de surprises qu’un Le Vau ou qu’un Mansart. La pro-duction de Gabriel, qui a travaillé d’abord avec son père, accompagne presque tout le règne de son souve-rain, et elle s’efface avec lui. Il a suivi, tour à tour, avec une égale sûreté les routes où l’art du siècle s’est engagé et où il a lui-même contribué à le conduire. Pour s’en tenir à ce que Versailles a de lui, quelle n’est pas la diversité de son oeuvre, depuis l’épo-que où il travaille à la grande chambre de la Reine, encore tout imprégnée de « rocaille et celle qui dresse, au nouveau Trianon, ces façades pures et légères où quelque chose ‘de la perfection grecque s’inscrit à jamais dans la pierre française ! Aucun morceau ne prouve mieux que cette oeuvre suprême de sa vie le robuste équilibre de sa pensée d’architecte, aucun n’ex-plique plus clairement l’esthétique qui résultait de ses propres travaux et des recherches de son temps. Certes, tout l’art français s’est transformé autour de lui par l’étude libre et joyeuse des modèles de l’art antique: mais, qu’il ait été dans la nouvelle école le mieux ins-piré et le plus grand. atteste en lui une prodigieuse puissance de rajeunissement. L’artiste qui donne de tels exemples ne saurait être trop écouté. Ange-Jacques Gabriel a été l’inspirateur de tout ce qu’a ordonné, pendant trente-cinq ans, dans le domaine de l’architecture, ce grand service des Bâtiments du Roi, si actif et si bien réglé, qui avait dans ses attribu-tions tout ce qu’y trouve actuellement une direction des Beaux-Arts, et dont le plus beau fleuron était Versailles. Je dirai ailleurs quelles importantes parties de cons-truction le prenlier architecte du roi a exécutées à Ver-sailles et quelle signification y prennent l’Opéra (le Louis XV (sur la rue des Réservoirs) et la demi-aile de la cour royale; celle-ci n’est qu’une amorce de la reconstruction générale projetée du cillé (les cours et serait d’un aspect moins ingrat et plus cohérent, si la façade entière eût été bâtie. Rappelons ici de préfé-rence quelle part l’artiste a prise à la transformation intérieure, dont il a été le directeur responsable et l’in-génieux initiateur. Depuis l’époque où le marquis d’Argenson note, en son journal que le roi, qui aime ce genre de travaux, « fait continuellement dessiner devant lui en particu-lier le jeune Gabriel, de ses Bâtiments », jusqu’au moment où M. d’Angiviller, directeur général du ser-vice à l’avènement de Louis XVI, accorde au vieil ami de Marigny le droit de prendre sa retraite, c’est lui qui mène à Versailles toute l’oeuvre de destruction et de remplacement et qui rêve un château embelli, per-fectionné et agrandi par ses soins. Le « grand projet » (le reconstruction générale a été fort près de s’exécu-ter; tout était préparé pour faire disparaître la cour de marbre et ces charmantes façades de brique et de pierre, que le siècle jugeait peu dignes de la majesté du roi de France. La détresse financière de la monar-chie a seule empêché cette destruction. Mais la réfec-tion intérieure, sans avoir été l’objet d’un plan aussi précis, s’est poursuivie peu à peu suivant les nécessités ‘de chaque moment et a fini par ne laisser intacts que les ;-rands appartements d’apparat, protégés par la gloire de Louis XIV. L’art de Gabriel dans la décoration des appartements peut être étudié très complètement à Versailles. FIND ART DOC