82 LA RENAISSANCE’ DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE gnifique d’enthousiasme et de volonté. les yeux fixés loin sur la réalisation de son rêve, il passe entre quatre soldats autrichiens qui l’escortent le front baissé. Et puis, ce sont les ruines de Nervesa, la petite ville où s’est englouti sous les dé-combres l’admirable plafond de Tiepolo, représentant l’apothéose du poète Sode-rini. On a peine à réaliser le miracle par lequel nos alliés ont surmonté les diffi-cultés naturelles offertes par le terrain des combats : glaciers, rochers inacces-sibles, rien n’a pu rebuter l’ingéniosité des officiers du génie qui semblent avoir organisé là un duel entre ciel et terre. Ventes ,récentes. BOISERIE, RUE CAMBON. —Un des vieux hôtels de Paris s’est vu dépouillé, le 23 dé-cembre dernier, de sa magni-fique parure de boiseries. La maison porte le N° 47 de l’ac-tuelle rue Cambon, ancienne rue du Luxembourg, puis rue Neuve- du -Luxembourg, ou-verte, en 1719, sur l’emplace-ment de l’hôtel du Luxembourg. Cordier de Launay, qui pos-sédait déjà dans cette rue une majestueuse demeure (actuel n0 49) acquit, en 1744, de vastes terrains et fit ajouter aux bâ-timents de nouvelles construc-tions qui forment aujourd’hui le n0 47, conservant un grand jardin représenté maintenant par le n° 45 de la rue Cambon et les n•g 5, 7, 9, 11 du boule-vard de la Madeleine. A la mort de Jacques Cordier de Launay, l’hôtel passa à son fils 01. R. Cordier de Montreuil, président de la Cour des Aides, qui le céda à M. de Brunville, conseiller au Parlement, magis-trat que sa popularité, aux pre-mières années de la Révolution, faillit porter aux fonctions de maire de Paris, à la place de Bailly. En 1782. l’hôtel fut vendu à Le Roy de Camilly. En 1848. il était la propriété de la famille Casimir Périer, qui morcela le jardin. Le salon d’honneur est un des plus ma-gnifiques spécimens de l’art décoratif du xviii e siècle. L’ensemble des panneaux sculptés et dorés (malheureusement redorés au cours du siècle dernier), des trumeaux et des glaces, des dessus de portes attribués à Coypel, de la belle corniche qui couronne le tout, produit un effet de discrète somp-tuosité. On y- sent le goût affiné et la main de ces maitres parisiens qui ont revêtu les appartements de Versailles de leur éblouissante parure. Le prix de ioo.000 francs qu’a atteint cette boiserie est loin d’être excessif et nous croyons savoir que le propriétaire en avait, avant la guerre, refusé plus du double. Nous pouvons aussi rassurer ceux qui déplorent le continuel exode à l’étranger des grands chefs-d’oeuvre de l’art fran-çais. La boiserie ne s’éloignera guère de la rue Cambon, car l’acquéreur, M. Zafiro-poulo, compte la transporter en son hôtel de la rue Beaujon. Notes diverses. Nos alliés d’Amérique sont parfaite-ment d’accord avec nous pour réclamer le paiement en oeuvres d’art prises dans les musées allemands des dégâts commis au détriment du patrimoine artistique des provinces françaises. dévastations d’ordre différent, la répara tion en nature, la plus efficace bien souvent. Il sera bon que la question soit sou-levée et résolue dans ce sens, lors de la discussion de la paix. Le principe de juste réparation étant admis, nous po-sons seulement cette question : a-t-on dressé le bilan de nos pertes et qui s’oc-cupe, dès maintenant, d’établir la liste de nos revendications ? Il serait grand temps d’aviser. ,„•. Il n’y a pas qu’en France où la hausse des tableaux anciens se fasse sentir. Deux ventes ont eu lieu récemment, au Japon, et l’on demeure quelque peu surpris de relever les prix suivants : Vente Higashi Hougwanji, une paire d’écrans peints par Ogata Korin : 105.000 yens ; vente du vicomte Akimoto, huit petites peintures par Keishoki, 140.000 yens ; un rouleau de parchemin peint par Nebuzane : 116.000 yens ; un Kakemono offrant un paysage de neige, par Royokai : 210.000 yens. Vente du marquis Satake : deux autres rouleaux contenant 36 poèmes, par Ne-buzane : 353.000 yens (et le yen qui, avant la guerre valait 2 fr. 5o, vaut aujourd’hui 4 fr.). Peut-on s’étonner, après cela, des prix qu’atteignent ici les beaux objets d’art chinois et japonais. Il est même à crain-dre que beaucoup parmi ceux que nous possédons ici n’effec-tuent peu à peu le voyage de retour au pays natal. En tous cas, les salles des ventes de Tokio n’ont rien à envier aux nôtres. On a demandé, ce mois-ci, au Congrès de Washington de voter l’érection, clans cette ville. d’une statue au maréchal Foch. La dépense prévue est de 100.000 dollars. Jean-Julien Lemordant, l’admirable décorateur, qui est aussi un grand mutilé de la guerre, s’embar-quera bientôt pour l’Amérique avec bon nombre de ses oeuvres qui seront expo-sées dans les principales cités des États-Unis. ••• Le Musée de Boston vient d’ac-quérir le célèbre tableau de Courbet, La Curée (Salon de 1857). Il se trouvait en Amérique depuis 1866, acquis à cette date par l’Alston-Club de Boston, et exposé dans la galerie de ce cercle d’ama-teurs d’art, puis passa dans la collection de M. Sayles, qui le prêta longtemps au Musée des Beaux-Arts de la ville. ••. La galerie Ehrlich de New-York, offre un choix des plus belles estampes françaises du xvuie siècle. Le succès de ces pièces, remarquables par la fraicheur de la conservation ou la rareté des états. est considérable. Et la cote des estampes du xvIut! siècle monte toujours… LE CURIEUX. BOISERIE, RUE CAMBON. Il est maintenant prouvé que, certain de sa victoire, l’ennemi se préparait à faire main basse sur tous les trésors de notre pays ; le Louvre, en particulier, devait être consciencieusement vidé au profit du Kaiser Friedrich Museum de Berlin. Sans vouloir prendre prétexte de ces intentions pour réclamer une opération inverse, on peut, on doit, en effet, souhai-ter de justes réparations. Combien de nos villes des régions dévastées, telles Reims. Soissons, Arras, riches de beauté, de pit-toresque et de souvenirs, attiraient les étrangers par leurs trésors d’art ! Pour toutes ces villes, le passage des touristes était une source de perpétuel revenu ; re-construites demain, ne possédant plus rien de leur attrait passé, ces villes auront perdu, non seulement la parure dont elles étaient fières, mais une de leurs sources de prospérité. Ne serait-il pas juste qu’en chacune d’elles un musée allemand soit transporté ? Ce serait, ainsi qu’il l’a été demandé plusieurs fois déjà pour des 10 /anvier.