LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE 8 de la France, penchée sur le corps d’un guerrier défaillant dont la main tient encore le glaive qui a libéré sa patrie. Quelques livres. L’OEuure de guerre d’Albert Besnard, par M. HENRY COCHIN (Paris, La Renais-sance du Livre), C’est tout le labeur du maitre au cours des quatre dernières années, étudié par l’homme de goût le mieux fait pour le comprendre et l’interpréter. A. Besnard est, en même temps que l’éblouissant décorateur, un artiste de culture raffinée, qui pense et conçoit ses oeuvres avant de les réaliser. Sa virtuo-sité n’exclue jamais l’idée. Dans les vastes compositions dont il a revêtu les murs de l’École de Pharmacie ou de l’hôpital de Berck, dans les plafonds du Petit-Palais ou du Théâtre-Français, le symbole appa-rait toujours, magnifique et profond. Durant la guerre A. Besnard a encore exprimé des symboles, non plus en cou-vrant d’immenses étendues de toile, mais en peignant des tableaux de che-valet où apparaissent quelques figures marquantes du grand drame ; et son objectif n’était pas moins élevé, puis-qu’il s’est attaché à montrer surtout leurs àmes et les idéals qu’ils représentent. A la veille de la déclaration de guerre, A. Besnard se trouvait au plus haut point de sa renommée. Den’oeuré à Rome, il mettait, le 28 juillet 1914 (émouvante coïncidence) sa signature au bas d’une grande peinture destinée à décorer le Palais de la Paix, de la Haye et par laquelle il glorifiait, à sa manière, des aspirations alors encore chimériques, la Paix et le Droit. Il eut de suite la vision qu’un voile de deuil allait s’étendre aussi sur l’Art et condamnerait à une éclipse passagère cette Beauté dont il est le prêtre fervent. Il traduisit cette vision en une toile qui pourrait s’intituler : • Les Muses s’en vont o. Puis il entreprit une série de tableaux qui sont, plus encore que des portraits, de magnifiques allégories, toutes char-gées de pensée. Il figura, sous les traits du cardinal Mercier, la Belgique meurtrie, mais toujours vivante (nous avons ad-miré le tableau, l’année dernière, chez Georges Petit) ; sous les traits de Gabriel d’Annunzio, l’Italie rejoignant la ban-nière des Alliés, à l’appel d’un poète de génie; sous les traits de Benoît XV, la Papauté assistant avec angoisse à la lutte fratricide. Il fut ensuite appelé à la Panne pour y faire ui portrait équestre du roi et de la reine des Belges, tableau qui s’achève sans doute, en ce moment, à Rome. Lors de la visite qu’il fit lui-même aux sou-verains belges et dont il nous trace l’émou-vant récit, M. Henry Cophin a vu toutes les préparations qui serviront au peintre à l’exécution de cette grande oeuvre ; grâce à lui nous savons ce que doit repré-senter la scène : • Le roi et la reine sont à cheval tous les deux ; lui, au premier plan, vêtu de son unifornie de soldat, dont le vent de mer soulève un peu les pans, droit et ferme en selle, la tête dressée et tournée vers le spectateur, le regard dirigé au loin. Un peu plus au second plan, et comme si elle venait le rejoindre, la reine pousse son cheval vers celui du roi, dans toute l’élégante grâce féminine et dans toute la majesté royale. Ces ma-gnifiques cavaliers, sur de beaux chevaux de guerre, sont en mouvement et pal-pitent de vie dans l’air ‘vif et salé de la côte septentrionale, sur un ciel lavé où courent des nuages. Derrière eux s’étend, à perte de vue jusqu’à la mer, la plage illimitée, où le vent balaie incessamment le cortège lointain des buées marines et des arènes soulevées. • C’est une bonne fortune, pour un artiste, si grand soit-il, d’être servi par un commentateur tel que M. Henry Cochin, dont l’amicale perspicacité pé-nètre l’inspiration profonde du maître et sait la traduire dans un style qui est à la hauteur de la pensée. L’intérêt du volume s’accroit des magnifiques hors-texte qui l’illustrent et constituent la plus pré-cieuse documentation. Sienne, par M. ANDRÉ PÉRATÉ, illus-trations de P.-A. BOUROUX (Paris, chez Fontentoingl. M. André Pératé, l’érudit conservateur adjoint des Musées Nationaux, vient de faire paraître une étude historique et des-criptive définitive sur Sienne. Un pareil livre, éclos au moment même où l’on se sent atteint de la nostalgie des voyages, vous fait éprouver comme une frénésie de mouvement. Depuis quatre ans, on subissait la han-tise de l’événement tragiqué qui a bou-leversé l’Europe et retenu toutes nos Pensées. Aujourd’hui, on se souvient tout à coup qu’il y a de par le monde des terres bénies qui vous accueillaient joyeuse-ment et dont on n’est séparé que par une nuit de chemin de fer. Il semble que l’on ait, plus que jamais, soif de beauté. En feuilletant le luxueux volume de M. A. Pératé, on aime à constater que toutes les cités d’art ne sont pas des cités martyres. On aime à se dire qu’il existe encore une Toscane radieuse, aux collines bleues, aux cyprès sombres, se profilant sur un ciel infiniment doux, aux oliviers d’ar-gent, aux buissons de roses frémissant sous une brise légère et fraiche. Si le temps n’est pas encore venu de réaliser le beau voyage, du moins peut-on le faire à moitié en parcourant le volume en question. Descriptions et illustrations font soudainement surgir des sites fami-liers : la silhouette aérienne du beffroi, la masse pourpre de Saint-Dominique. les arches et les ponts jetés d’une maison à l’autre et tout le lacis merveilleux de ruelles pleines d’ombre et de mystère. peuplées encore des fantômes de l’his-toire. Il faut suivre l’auteur à travers le do-maine de Sainte-Catherine, dont la figure céleste illumine la cité, dans ces églises qui incarnent le coeur dévot de Sienne, dans ces rues profondes comme des caves d’où s’aperçoit seulement un coin de ciel bleu et lé long de ces palais, de ces mai-sons de brique rose qui donnent à la ville une physionomie unique. Sienne fut ardente à l’amour comme à la haine, vaillante, guerrière et batailleuse, souvent humiliée et livrée à des mains étrangères. Aucune ville n’eut d’histoire plus mouvementée. DéPhirée par les luttes incessantes des factions, agitée par des convulsions, elle ne recula devant aucun sacrifice pour reconquérir son indépendance et demeurer fidèle à ses. aspirations de liberté. M. Pératé ne négligea pas non plus de nous montrer la place éminente qu’oc-cupe l’école siennoise de peinture, de sculpture et d’architecture dans l’im-mense monument d’art que constitue l’Italie entière. L’ouvrage,• illustré de nombreuses et belles eaux-fortes est, en somme, un régal pour l’érudit ,et aussi le meilleur guide que puisse consulter le touriste averti. Les Galeries d’Art. GALERIE DRUET. – YeC décéMbre a pris fin une admirable exposition d’oeu-vres de Maurice Denis. A côté d’aspects de la vie familière et de scènes religieuses que nous avons coutume de voir traitées par Mauricé Denis de la manière la plus délicate, trouvaient place des sujets de guerre et il était intéressant de cons-tater combien le souple talent de l’ar-tiste savait mettre d’émotion contenue ou d’intensité dans la représentation des épisodes du grand drame. A LA GALERIE CHAINE ET SIMONSON: — Magnifique exposition des oeuvres de M. Drivier, qui y donne toute la mesure de son beau talent. Devant ces puisSants morceaux de sculpture, ces bustes, ces vigoureux dessins aquarellés. on se sent en présence d’un maitre. Élève de Rodin, dont il subit forcément l’influence, M. Dri-vier a su, néanmoins; dégager toute sa personnalité. Nous félicitons l’État d’avoir sanctionné ce succès par un achat. A LA GALERIE DEVANIBEZ. — Expo-sition de quelques oeuvres de van Dongen, où • le peintre • (puisque c’est ainsi qu’il signe souvent) fait preuve de son habi-tuelle adresse et montre, en même temps, des ouvrages d’une fantaisie un peu… débordante. Dans les salles voisines, on a réuni bon nombre d’objets d’art de métal, mé-dailles, vases, fers forgés. etc., dont l’en-semble très séduisant constitue un i.é– sumé de la production contemporaine. GALERIE GOUPIL. — On se souvient de l’exposition que fit l’an dernier, à la Galerie de la rue de la Ville-l’Évéque, la section photographique de l’armée amé-ricaine. Cette année, c’est la section ita-lienne qui a pris possession du même local et qui montre, en une série d’émou-vantes photographies, les dévastations dont souffrit la plaine vénitienne et les aspects de ces régions montagneuses où se déroula la lutte pour la conquête du Trentin. Certaines d’entre elles sont sin-gulièrement impressionnantes, comme celle où l’on voit Battisti, l’héroïque député irredente, marchant au supplice. La tête relevée dans une expression ma-