LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET ‘DES INDUSTRIES DE LUXE d’autres exécutaient, il y avait encore science par-faite de la technique chez eux, autant qu’amour cer-tain du décor chez les frappeurs d’enclume. Depuis la fin du xvitie.siècle, par un progrès à rebours, comme trop souvent, hélas ! en enregistre la civilisation, le traceur de lignes sur la planche s’est, de plus en plus, écarté du ferronnier à sa bigorne. L’artisan de jadis s’est scindé en deux parties iné-gales : l’artiste et l’ouvrier. Le premier crut s’élever au-dessus du second. L’ou-vrier, par suite d’un pré-jugé, durant trop d’années demeuré vivace, était re-foulé très bas dans la hié-rarchie sociale ! Aujourd’hui, cette con-ception, aussi stupide que méprisable, disparaît, len-tement encore, mais sûre-ment, et le titre d’ouvrier reprend la place honorable qu’il n’eût jamais dû quitter. Le peintre et le sculp-teur, obligés à des beso-gnes matérielles que ne connaissent au même degré ni l’architecte, ni le men-blier, ne mésestiment plus — s’ils sont vraiment dignes du nom d’artistes — l’ou-vrier des métiers d’art… … Mais n’oublions pas que nous nous occupons aujourd’hui des ferronniers. Le ferronnier de notre actuelle renaissance n’est pas, comme en d’autres arts, la moitié de lui-même ; il n’est pas devenu l’ar-liste, opposé à l’ouvrier. Il martèle les formes qu’il compose et sait établir son modèle sur un panneau de bois ou de tôle. Un Dunand, un Robert, respectés, honorés, fêtés, battent l’enclume sonore. Ils ont le buste souple, les gestes précis, l’un en bras de chemise, sans cravate, l’autre revêtu d’un justaucorps de cuir épais dont il forgea puis émailla les boucles et leurs ardillons. 75 • La flamme qu’avive le soufflet de l’apprenti projette leurs silhouettes actives d’heureux et sympathiques personnages infernaux, tout auréolés d’étincelles, aptes aux saines besognes matérielles. Émile Robert, apôtre et prédicateur écouté de l’édu-cation ouvrière, parle et écrit sur ses méthodes d’en-seignement. A l’énorme usine de la rue Danrémont, son musée d’oeuvres délica-tes et son école de jeunes .orruriers vibrent du va–arme des marteaux-pilons, des machines raboteuses et fraiseuses, des tours puis-sants, qui ploient, tordent, étampent, percent, cisaillent l’acier dur. A son atelier familial d’Enghien, genti-ment ouvert aux visiteurs, il poursuit le prosélytisme de la religion du métier. Le timbre populaire de sa voix s’élève à l’unisson des coups de masse qu’il assène sur l’enclume, s’a-doucit affectueusement quand il morigène un élève étourdi ou félicite un plus adroit. Sa force physique se mue n persuasion s’il prononce, l’oeil ironique et droit sous le long sourcil hérissé En trois années, mes apprentis me valent ! » Jean Dunand, dans son .1 telier sonore du Petit-lontrouge, aux lueurs et aux pénombres rembranes-ques, possède le visage et arbore le costume d’un batail-leur du temps de la Ligue. Il s’exprime cependant avec timidité, tandis que. résonne et branle la tige active dont la, pointe gau ffre audacieuse de ciselure et de ROBERT. – .■ LE RENARD ET I.A CIGOGNE le métal ; son oeuvre est damasquinure, jusqu’au jour où, sensible au trouble uni-versel, il transforme son art pour diminuer les peines de la guerre. Il repousse à froid l’acier de casques, bénéfi-ques par leur résistance, harmonieux dans leur aspect. Les bords ne gênent pas le tireur ét la visière ajour FIND ART DOC