56 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE il a aimé d’autres peintres : Jongkind, Cross, Maurice Denis, Seurat. t’trillo, Valloton, Signac, Bonnard, Vuillard et il avait de chacun de ces sculpteurs et de ces peintres, quelques oeuvres préférées. Il avait même des bibelots minuscules, rapportés de je ne sais quel voyage et qu’il gardait dans sa chambre. Un jour que j’en prenais un it.peine aussi grand qu’un dé à coudre, me demandant si c’était un fétiche barbare ou -un simple caillou, j’entendis le maitre prononcer avec émotion ces paroles: — Ce que vous avez en main est une merveille incom-parable. C’est une pierre ciselée par un berger qui n’avait pas de nom et qui sculptait comme Rodin ! Cette collection magnifique est plus qu’une collection, car les oeuvres qu’elle réunit sont autant de trophées. Pour quiconque est averti, ces toiles et ces statues racontent les âpres combats de l’art contemporain contre la routine et l’imbécillité. C’est pourquoi le nom de Mirbeau leur sera éternellement attaché, en quelques mains qu’ils passent, et c’est pourquoi on est en droit o. de trouver étrange que de tous les artistes exaltés par Mirbeau, seul Rodin ait tenté de nous laisser l’effigie du Maître. Pas un peintre ne nous a donné son portrait. Je m’en étonnai un jour devant Mirbeau. Il détourna les yeux pour me faire sentir que mon indiscrète question le touchait au coeur, puis il murmura : — Au fond, vous savez, je n’ai jamais eu une tête intéressante. Immense et tendre maître,dont les yeux bleus comme des fleurs rêvaient au milieu d’un visage charpenté pour la bataille, tu as toujours été si généreux qu’on recevait tes bienfaits sans songer à te rendre, tu as toujours été si simple que tu faisais oublier ton génie. Mais tu étais heureux du moment que ton coeur s’é-panchait et ceux qui auront la joie de remporter chez eux une des oeuvres sublimeS que tu avais mises dans ta maison, pourront dire qu’ils emportent, avec un peu de ton âme, un objet qui fut entouré, possédé et chéri comme un être ALBERT ADÈS.
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