LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE VAN GOGH. – LE PÈRE TANGUY. 55 pressionnistes. Il les aimait comme des enfants, les admirait comme des génies, ne leur réclamait jamais le prix descouleursqu’il leur fournissait sans compter, et les appelait ■■ ces Messieurs ». De temps à autre, pour le dédom-mager, «ces Mes-sieurs » lui don-naient un de leurs tableaux qu’il vendait pé-niblement 25 francs. Jamais aux heures les plus sombres, le père Tanguy ne désespéra de ses clients. Il les encou-rageait, leur prédisait un grand avenir et quand enfin ses prédictions se réalisèrent le père Tanguy fut un homme heureux. Il entrait chez lui et disait à sa femme : « Ma femme, on a vendu aujourd’hui chez Bernheim un tableau du pauvre Vincent ro.000 francs… Ma femme, hier un tableau de Monet est entré dans un musée.,. » Mais hélas! le père Tanguy n’avait plus de tableaux ni de Van Gogh ni de Monet. Tout avait été vendu quand « ces Messieurs » étaient invendables. Le Coin de Jardin de Pissaro a été peint dans la propriété de Mirbeau, aux Damps. — Quel admirable vieillard que Pissaro. s’écriait Mirbeau, jamais je n’ai vu un homme plus parfaitement beau!… Et il aimait la peinture, il ne vivait que de peinture… A l’aube il se réveillait pour peindre… Quand je me levais il avait déjà travaillé plusieurs heures… il ne finissait de peindre qu’à la nuit et encore il n’aban-donnait ses pinceaux que triste comme la mort… Pauvre Pissaro, il avait deux grandes passions : la peinture d’abord, la confiture ensuite… il lui fallait un pot de confiture à chaque repas. Deux toiles magnifiques représenteront l’ami, le frère, l’homme que Mirbeau a le plus et le plus longuement aimé : Claude Monet. La Cabane du Douanier, à Pour-ville, Pst reproduite ici même ; quant aux Oliviers de Juan-les-Pins, ce sont des oliviers énormes, plusieurs fois centenaires, dont les racines bossèlent le sol, dont les troncs sont en ruines. Et cependant ces ancêtres portent un dôme de feuillage d’une éclatante jeunesse et le soleil les cingle avec impétuosité et toutes les forces de la terre les traversent des racines au sommet, violentant leurs masses fragiles qui, demain, s’écrouleront débordées de partout par cet excès de vie. Voici Rodin, voici Renoir. Du premier,une série de marbres et de bronzes splendides: L’Envolée, le Masque dejeune fernme,la Fem-me accroupie, l’Homme au guel , l’Homme assis, le buste de Victor Hugo et le buste de Mirbeau. Mais il y a aussi de Rodin des des-sins gouachés et des dessins relevés d’aquarelle, en somme une collection impressionnante dont la moindre pièce est un chef-d’oeuvre. Du second, un torse de femme et une petite esquisse à l’huile. On sait la grâce, l’adoration, la volupté avec laquelle Renoir peint une femme, on sait aussi bien les sentiments tendres et fougueux que Mirbeau nourrissait pour nos amoureuses compagnes. Est-il besoin de dire après cela le charme des deux nus que l’écrivain a choisis chez le peintre ? Maintenant Maillol. Celui-ci est, dans la sculpture, ce qu’a été Maeterlinck dans la littérature, l’homme révélé en un jour par un article de Mirbeau. Lorsque le maître entra dans son atelier, M. Maillol était inconnu ; lorsque le maître en sortit, M. Maillol sentit que sa destinée se trouvait, ce jour-là, entre les mains de cet homme. Le lendemain son sort était réglé : un article avait paru, il était célèbre. J’ignore si M. Maillol se rend bien compte de ce que Mirbeau a fait pour lui, j’ignore s’il garde au maître la reconnaissance qu’il lui doit. Mais cela est fort peu de chose et Mirbeau a toujours aimé les femmes si belles, si humainement, si « bêtement belles » comme il disait, que le sculpteur a modelées avec la religion des maîtres anonymes qui modelèrent les Tanagras. Il en avait toujours une à portée de sa main et il la prenait parfois pour la considérer comme une chose curieuse et char-mante: — Après Rodin, disait-il, c’est le plus fort de nos sculpteurs. Il n’a pas la vigueur, la richesse, l’invention, l’enthousiasme, le génie de Rodin… Mais il a une huma-nité calme que Rodin n’avait pas et qui est reposante… Jusqu’à la fin de sa vie, il sculptera de petites femmes pensives… Nous ne lui demandons pas d’en faire davantage. Il a aimé un autre sculpteur : Mme Camille Claudel ; CÉZANNE. – SON PORTRAIT. 5 FIND ART DOC