44 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE particulièrement de céramique, qui soient en France. Dans cet établissement et celui de la Société industrielle, il y a de quoi former maintes générations artistiques sans avoir besoin de leur inoculer nos façons de voir, même les bonnes. Colmar pourrait développer ses grandes facultés d’étude, de. hautes spéculations intellectuelles. Elle deviendrait un centre de travaux historiques, de tradi-tions sans cesse ravivées. Mais aussi, grâce à ses glorieux atavismes, elle fournirait, sans doute, un contingent de précieux artisans, céramistes, orfèvres, serruriers, ébé-nistes encore. N’a-t-elle pas, en ce genre des maîtres comme M.Kleiii. qui a exécuté dans la plus pure donnée traditionnelle, le mobilier des meilleures églises d’Alsace. N’est-cc pas enfin la patrie d’Hansi; et sous l’impulsion de ce charmant et entraînant artiste, Colmar ne pourrait-elle pas devenir la ville désignée de l’imagerie populaire, quelque chose comme l’Epinal de l’Alsace ! Que dire de Strasbourg ? Et qui peut dire jusqu’où l’émulation, le génie de la race, le sentiment à la fois traditionnel et innovateur, pourront faire monter les industriels et les artistes de cette grande cité, si riche en établissements artistiques de toute sorte ? Ces institu-tions ont été mises sur pied, il faut le reconnaître, par les Allemands, mais ceux-ci n’en ont tiré que de la vanité inféconde Ils se sont préoccupés, avant tout, de faire de Strasbourg une succursale de la pensée allemande. Ils étaient incapables de com-prendre que la pensée sans le coeur ne produit rien d’ori-ginal ni de durable. De telles acclimatations sont impos-sibles. Au contraire, laissez librement se développer les facultés natives, et ce qu’on pourrait appeler les inclina-tions naturelles, et vous obtiendrez, sans effort, des prodiges. Quelqu’un me disait, à Mulhouse : « Laissez faire nos jeunes générations, et dans dix ans on parlera et on écrira dans notre région la langue française aussi purement qu’en Touraine. » Vous-pou-vez appliquer ce langage à toutes les branches du savoir. Lorsque l’on passe de Strasbourg à Metz, on se trouve dans un décor comme dans une atmosphère tout autres. La vieille cité, à part sa périphérie germanique kolossale (comme d’ailleurs celle de Strasbourg) a conservé une physionomie qui nous est plus familière; celle à peu près des villes françaises de l’Est. Le pittoresque alsacien de Strasbourg est un charme: la sobriété lorraine de Metz en est un autre. Tous deux forment un contraste, et une harmonie. Que Strasbourg conserve son génie rhénan, si savoureux; il en sortira des créations neuves sous des formes sécu-laires. Que Metz suive les traditions de ses peintres verriers célèbres, de ses charmants dessinateurs. Un excellent peintre verrier, qui a conservé les enseigne-ments de Maréchal de Metz, M. Thiria, m’a retracé les mé-rites de cette école messine, si attentive, si délicate, si res-pectueuse de la vie transmise par les aïeux. Les dessins et aquarelles de Migette, trop peu connues Chez nous, sont de petits chefs-d’oeuvre qui pourraient rivaliser avec ceux d’Hervier. Il y avait à Metz un conservateur allemand, archéologue soucieux avant tout de travaux personnels, et en second lieu de glorification de la pensée et de l’art germaniques. Tout ce qui était purement expressif de l’esprit lorrain et français se trouvait peu à peu relégué et primé par le trop plein de Dusseldorf ou de Munich. On a invité cet apôtre à rendre les clefs du musée. Des clefs, il faudra que les Allemands en rendent encore bien d’autres, de ces clefs invisibles — et impon-dérables, comme eût dit Bismarck, — qui ouvrent les âmes et rendent la liberté aux esprits. Bien entendu tout ce que nous venons de dire ne cons-titue pas un programme bien arrêté, ni des prévisions abso-lues. Strasbourg, Colmar, Mulhouse, Metz trouveront leur voie, peut-être encore indécise, mais sûrement très belle. Ici, telle forme d’art do-minera ; là, telle autre. Mais ce sur quoi j’ai voulu insister avant tout, c’est sur le prin-cipe de liberté, et sur la néces-sité d’une décentralisation où nous sommes toujours cer-tains de voir se refléter une fraternité, un élan profond vers l’inspiration même de la France. On a parlé élo-quemment du plébiscite au point de vue politique. Nous pouvons dire, à notre tour, pour l’avoir constaté à cha-que pas : « Fiez vous au génie et à l’initiative de l’Alsace-Lorraine : en art aussi, le plébiciste sera fait » ARSÈNE ALEX MUSÉE DE ‘STRASBOURG. — PORTRAIT •D’UN SEIGNEUR EN ÉQUIPAGE DE CHASSE. — ÉCOLE FRANÇAISE DU XVIe SIÈCLE Fi-ND ART DOC