LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE – — enroulements, en chutes, en grappes ou même en semis. Les petits médaillons sont tracés avec la même sobriété : tout l’intérêt est réservé au trophée détaché qui les couronne, avec une importance peut-être exagérée, mais à coup sûr originale. Ranson est-il aussi intéressant dans ses planches de décoration intérieure et ses modèles de meubles ? Il est permis d’en douter. Disons, tout au moins, qu’il est plus inégal. Ranson n’est pas un architecte, cela se voit trop. Les planches de meubles, elles-mêmes, ne sauraient se comparer aux recueils de Lalonde ou de Bou-cher fils, pour ne citer que ces deux maîtres. Leur grand intérêt, c’est de nous renseigner sur les caprices du goût tapissier de l’époque. Toutes ces compositions de Ranson sont traduites en gravure, fort habile-ment par le burin du Berthault ou de Voysard. plus gauchement par celui de Juillet ou de Duhamel. Mais nous avons la preuve que les originaux valent encore mieux que l’inter-prétation. Le musée de l’Union centrale des Arts décoratifs possède, depuis plus de trente ans, une charmante série de dessins gouachés de Ranson où l’on retrouve plusieurs des pièces choisies par M. Clou-zot pour son album. Elles proviennent d’un descen-dant de l’artiste. Voilà une 37 C’est par la gravure au burin, par le crayon lithogra-phique que l’on essaye de remettre en lumière les pièces choisies dans trois siècles d’art décoratif. Naturellement chaque éditeur, tout en croyant reproduire fidèlement ses modèles, y laisse percer sa personnalité au détriment du caractère de l’oeuvre ancienne. C’est du Delaulne, • du Bérain, du Delafosse si l’on veut, mais c’est encore bien plus du Fleury-Chavant ou du Chenavard. Le génie leur a manqué à ces pionniers convaincus de l’ans i n Sans cela, pourrait-on jurer qu’ils ne nous auraient pas donné un art’ original, malgré l’inspira-tion du passé, comme l’avaient fait Watteau ou Pillement avec la Chine ou la Turq uerie ? Les repro-ductions fac-simile de nos jours, autrement précises, sont aussi bien plus dange-reuses pour qui sait mal s’en servir. La tentation de copier servilement est grande pour le dessinateur en meubles, en tissus, en bijouterie, en bronzes, devant ces chefs-d’oeuvre des meilleurs ornema-nistes d’autrefois. Faut-il vraiment s’en indigner ? Certes, en art appliqué, l’originalité est avant tout enviable, mais quelle pro-portion de talents pri-mesautiers et créateurs renferme le monde des dessinateurs industriels ? L’aide à tirer des mo-dèles gravés est, d’ailleurs, . • • te • fia ■ 0 9 • •-,. __ .- et .e, 4` I sç i4 1 % .1/4 !. Y. • 4/ A 1-,, . 1 . …,. ……. ,,- n RANSON. (« ARTEL FLEURI. -• RELIA:. ‘SÉE DES ARTS DÉCORATIFS.. piste de nature à tenter les sagaces investigations de son biographe ! Il est vrai que les bombardements avaient relégué, depuis bien des mois, les fragiles aquarelles de Ranson dans les caves avec tant d’autres chefs-d’oeuvre des arts industriels du xvine siècle, mais nous avons pu les exhumer pour les présenter à l’objectif photo-graphique, grâce à. la courtoisie de M. Metman, qui nous en avait signalé l’existence. Et maintenant, une question se pose qui nous ramène à notre point de départ, à l’époque où les Chenavard, les Clerget, les Reynard, les Leconte, les Fleury-Chavant, les Vivant-Beaucé, et plus tard les Guichard et les Varin, publient leurs Mélanges, leurs Répertoires, leurs Encyclopédies universelles d’ornements. Les procédés de reproduction mécaniques ne sont pas encore connus. plus inoffensive que celle des photographies ou des moulages. Ils ne sont pas faits pour être exécutés servilement et ne l’ont jamais été. L’artisan, avant de passer à l’exécution, doit adapter le dessin à l’oeuvre en forme qu’il projette. Une soupière de Germain ne calque pas une planche de Meissonier, non plus qu’un meuble de Jacob, un dessin de Percier et Fontaine. Nous voyons par-faitement, pour notre compte, une bibliothèque choisie d’ornemanistes, embrassant tous les siècles et tous les genres, et que le dessinateur, avant de se mettre à sa table de travail, feuilletterait pour éveiller des images et des formes, comme le fait un écrivain en parcourant un lexique de la langue. LOUIS REMONENCQ.