LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Essences de toute nature, eaux de senteur, de mille fleurs, de la reine de Hongrie, de fleur d’orange, se vendent dans de simples bouteilles cylindriques appelées rouleaux. Le « vrai vinaigre des quatre voleurs », inventé par Maille en 1752, se contente d’un modeste flacon allongé à quatre faces, avec arêtes timidement mou-lurées à la mode du règne de Louis XV. Et c’est l’époque qui voit naître les plus exquis objets de toilette, ces flacons en cristal taillé, en porcelaine de Sèvres ou de Saxe, en émail peint, ces montures en or ciselé, ces pots à onguents, ces flacons à sels, ces pots-pourris, ces boîtes à poudre ou à mouches, ces écrins en maroquin orné d’un dandy qu’à la grâce frivole d’une lionne parisienne, fait songer à un habit du bon faiseur. Le meilleur com-pliment à en faire, c’est de dire qu’il passeinaperçu. L’art du verre, cependant, ne pouvait rester éternel-lement stationnaire. Avant la fin du xixe siècle, le génie d’Emile Gallé se prend de passion pour cette matière incomparable, reléguée dans les usages purement domes-tiques et condamnée à la banalité d’une fabrication routinière. Il crée, avec des procédés conquis les uns après les autres, un. décor enchanteur du verre. La mode adopte avec passion ses vases, ses cciiipes, ses flacons, où les algues, les insectes, les poissons, les fleurs semblent suspendus dans la masse du cris-tal, où mille patines secrètes, empoussié-rages organiques ou vitreux, évoquent les flocons de neige, le brouillard , la pluie , fine, où des pâtes colo-rées, insérées à chaud dans la masse vitreuse, composent de cha-toyantes mosaïques, où des couches succes-sives de verre, diver-sement teintées et creusées au touret, rappellent les camées du célèbre vase de Portland. Grâce au maître de Nancy, le verre moderne force les portes des .vitrines d’amateurs. Il orne la table volante où la Parisienne de 1900 feuillette le dernier roman de Bourget ou A’Anatole France. Mais personne n’imagine que cette pâte fragile, qui garde le reflet changeant des nuages, les ondulations des mousses au fil de l’eau, les lueurs du crépuscule ou le scintillement des nuits étoilées, puisse remplir une autre fonction que celle d’enchanter les yeux. Il faut l’intervention d’un grand artiste pour oser appliquer ces petites merveilles à un usage courant, pour plier à une utilité pratique ces objets d’art sans leur faire rien perdre de leur mérite. C’est vers 1907 qu’apparaissent pour la première fois les flacons de Lalique dans les vitrines de la place Ven-dôme. Mais, pour le prestigieux rénovateur du bijou moderne, la technique du verre n’a plus de secrets depuis bien des années. Dans la maison d’artiste qu’il s’est construite lui-même, au Cours-la-Reine, les vantaux de FLACONS D’ART. – MODÈLES DE LA PARFUMERIE RIGAUD, aux petits fers ou en bois des îles précieusement mar-queté, ces mille bagatelles où se complait la frivolité de la société du xvitte siècle ! La fondation de la manufacture de Baccarat, sous la Restauration, vient fort à propos en aide aux ten-dances nouvelles de belle présentation. On peut même dire que le résultat dépasse le but à atteindre, car la vogue du verre taillé, de la facette chère à nos pères, est si prononcée qu’elle arrête pour longtemps toute recherche de nouveauté. Le flacon de Baccarat cylin-drique ou carré,’ à arêtes vives ou à pans coupés, à bouchon hermétique, est d’une si belle matière, il paraît si propre à faire ressortir la limpidité des produits odo-rants, qu’il constitue, pour les élégances du second Empire, distinction suprême. Mais cette sobriété du flaconnage, plus propre à la correction britannique