LE FLACONNAGE ARTISTIQUE MODERNE e e e F4 1819, lorsque César Birotteau, parfumeur à la Reine des Roses, rue Saint-Honoré, pris de la place Vendôme, songe à lancer sa nouvelle huile comagène, il compte sur l’originalité du flacon-nage pour contribuer au succès de son régénérateur de la chevelure. Il hésite entre la fiole triangulaire et les petites bouteilles de verre mince clissées en roseaux. Puis il se décide pour un flacon à forme écrasée en façon de citrouille et à côtes que son ha-bile commis, le jeune Popinot, découvre en solde rue Aubry-le-Boucher à quatre sous et ‘six mois de terme. Quatre sous ! Qu’aurait dit Balzac, ce voyant qui a de-viné un demi-siècle à l’avance tous les rouages de la publi-cité moderne, l’af-fiche, le prospectus, / a réclame dans les journaux, les attes-tations scientifiques et médicales, s’il avait pu tenir en mains une des pré-cieuses verreries où nos industriels de la rue de la Paix ou de la rue Saint-Honoré enferment, comme en un saint de présentation, mais qui songerait à s’en étonner dans ces quartiers de l’industrie de luxe où le génie parisien réalise te paradoxe d’écouler à beaux millions comp-tants des marchandises qu’on ne voit jamais exposées, dans des boutiques qui sont des salons, avec des ven-deuses qui sont des femmes du monde ? FLACONS D’ART. – MODÈLES DE LA PARFUMERIE RIGAL1D. Gréai, leurs incomparables parfums ? Formes originales, matière de choix, décor achevé, rien n’est oublié pour présenter à l’acheteur une véri-table œuvre d’art et lui donner l’impression que le contenu est aussi distingué que le contenant. Sans doute, les prix de vente se ressentent de cette extrême recherche donne à bon compte brillante et distinguée. A vrai dire, le luxe du flaconnage n’est pas entiè-rement nouveau, mais les premiers soucis de présentation élégante ne remontent pas, semble-t-il, plus haut que la Restauration. Au xvilie siècle, l’indifférence des parfumeurs pour leurs flacons dépasse l’imaginable. Ainsi se trouve une fois de plus vérifiée l’ascension constante du produit de luxe, destiné à une élite qui ne fait pas état de l’élévation du prix, pourvu qu’on lui offre un summum de goût et d’élégance, tandis qu’à l’autre bout de l’échelle, la même industrie des-cend au dernier degré du bon marché, sup-primant boites, étuis, étiquettes, flacons, et détaillant d’excel-lentes marques comme un article d’épicerie. Dans les quartiers populeux, la munitionnette qui toute la journée a usé ses forces à tour-ner des obus vient chercher un dérivatif à ses fatigues en achetant quelques grammes de chypre authentique et se l’illusion d’une minute de vie 1 FIND ART DOC