20 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE de femmes que Don Juan lui-même ? Ce subtil Hermès de l’Olympe vénitien est certainement l’homme qui a le mieux connu son temps. Ce grand cosmopolite a approché Benoît XIV, Frédéric II, la grande Catherine, le roi Stanislas, Voltaire, J.-J. Rousseau, le prince de Ligne, Cagliostro, Choiseul, Métastase, avant de mourir bibliothécaire au château de Dux. en Bohême ! Cette vie qui fut une mascarade, une longue suite de plaisirs, où les plus tendres exaltations ne laissèr en t peut-être au-cune place à un sentiment profond, cette vie vagabon-de, amoureuse et folle, N’011.1 ce que ∎I Maurice Ros-tand a entre-pris de ressus-citer à no, yeux. Il y a etc aidé par 111 George Bar-bier qui, en dessinant les costumes et les décors de Casanova, a créé autour de la pièce une atmosphère qui l’explique, qui la situe et qui en double la poésie. Car le vers, seul, ne suffit que dans un livre de quelques dessins de lui pour retrouver le goût même et l’esprit’ des années que nous venons de vivre. Il descend tout naturellement du xvitre siècle, et il a un goût de l’exotique, naturel à un contemporain admi-rateur de Baudelaire et de Kipling ; il aime les estampes du Directoire, la poésie persane, certains artistes anglais et les paravents de Coromandel, et son art subtil et savant se ressent de ces diverses admirations. Mais il y ajoute quelque chose UNE NÉGRESSE. ACTE à tout suggérer. Au théâtre, il lui faut un cadre complet, comme une rose qui a tout son sens, quand elle fleurit une branche, mais qui a besoin, transportée dans un salon, d’un vase qui la porte, d’un voisinage qui la fasse resplendir. Grâce à: M. George Barbier, le xvitte siècle italien prend devant nous une vie extérieure et tangible, qui nous permet d’y suivre à la trace ce fugace Casanova ! M. George Barbier est un des artistes les plus précieux et les plus significatifs de ce temps. Quand cette époque aura sombré comme tant d’autres dans la poussière des choses mortes, il suffira de quelques aquarelles, qui n’est vrai-ment qu’à lui, une réserve dans la luxu-riance de son imagination, une sobriété dans le faste de son goût, une légèreté dans l’esprit qui sont abso-lument fran-çais et qui donnent un style tout spé-cial à chacune des oeuvres qu’il signe et qui, lors-qu’elles sont orientales, le sont à la ma-nière d’un conte de Du-clos, de Cré-billon ou de Voltaire. C’est dans les costumes et les décors de Casanova que l’on trouve surtout cette grâce et cette décence. Au-cun excès, aucun délire. Les oppositions de couleurs les plus gaies, les détails les plus fastueux se fondent dans la délicatesse de l’harmonie générale. Et quelle richesse cependant ! Y a-t-il rien de plus exquis que telle robe rose, d’un rose d’intérieur de coquillage, sur laquelle retombe une baiita noire ? Y a-t-il rien de plus savoureux que la robe d’or à grands ramages de la négresse ? ou de plus galamment romanesque que le décor du premier acte, avec son mobilier de laque verte que l’on ne peut considérer, sans se sentir soi-même une âme de sigisbée ? 1 FIND ART DOC