16 LA RENAISSANCE DE L’ART FRANÇAIS ET DES INDUSTRIES DE LUXE Aux temps où nous sommes arrivés. les Russes ne sont plus arrêtés d’introduire des meubles de prix dans leurs maisons de bois par crainte du feu; comme ils l’étaient encore au temps du duc de Liria (1731). Le palais d’Oranienbaum, bâti par le prince Menchikov, conserve même aujourd’hui (ou tout au moins conservait à la veille de la révolution actuelle) maintes pièces précieuses du beau mobilier qui y fut amassé par le favori de Pierre et de Catherine Ire ; c’est le palais du Louis XV, comme Pavlovsk est (ou était) celui du Louis XVI. On peut décrire par les inventaires de Cressent ou par les articles du Livre-Journal de Lazare Duvaux, les commodes gg arquées », » en arbalète », les (g commodes du Japon », les commodes à grandes garni-tures de bronze doré, les cartonniers ou les bureaux qui s’y trouvent. Un de ces’bureaux, ressemblant au bureau des filles de Louis XV de la collection Camondo, passe pour avoir appartenu à la fiancée de Pierre II Un autre, plus somptueux, rappelle cette folie des bureaux français, on peut le dire, qui semble s’être emparée des hauts personnages de la Cour russe vers 1742-1750. Le ministre plénipotentiaire Dallion en avait fait venir tout d’abord un, d’environ 15.000 livres, pour le grand maré-chal Bestoujév, que celui-ci donna au comte Vorontzov. Dallion se chargeait ■, avec beaucoup de plaisir », écrivait-il un peu plus tard à Versailles, d’en faire venir un autre, très grand, » avec ses étagers (sic) et sa pendule R pour le même comte qui en voulait un second. Il pensait que pour trente mille francs on aurait » du plus beau en cette espèce ». En ces mêmes années, le marquis de la Chétardie, ambassadeur extraordinaire, faisait dépendre le succès de toute une négociation de l’envoi par Louis XV d’un bureau à Elisabeth. Ce meuble, a en forme du secrétaire et en bois violet à compartiments » fut ordonné à Hébert, marchand-bijoutier, rue Saint-Honoré, et embarqué à Rouen en mai 1745. c( Plût à Dieu, écrivait-on en Russie à cette occasion, que cette Princesse (Elisabeth) signât dessus notre traité de quadruple alliance ! » Le ministre de Holstein, Brumer, qui le désirait fort, avait reçu de la Chétardie, un bureau en présent. Et, enfin, en 1747, à son retour en France, l’astronome J.-N. Delisle s’était chargé de faire parvenir un bureau encore au commissionnaire Noël Desnoyers (1). C’est tout juste s’il n’y eut pas un bureau dans le magnifique envoi de meubles, montant à plus de 56.00o roubles que la Cour de France fit, en 1758, au vice-chancelier Vorontzov. Le bateau qui les portait s’échoua sur les côtes de Danemark et l’état des finances du roi était tel que l’on ne voulait pas songer à dédom-mager le ministre russe par un second envoi. Au degré de somptuosité qu’avait atteint à ce moment-là l’importation des meubles français en Russie, il n’était qu’un changement dans le goût qui pût apporter une satisfaction nouvelle aux désirs de ta Cour. C’est précisé-ment ce qui se trouva chose accomplie à l’avènement de Catherine II. DENIS ROCHE. il) Papiers de Delule, liasse x5o7.Bib. de la Chambre des Députés, Paris. BUREAU EN VERNIS MARTIN. — RÈGNE DE LOUIS XV. (APPARTENANT A LA COMTESSE OVVAROV. MOSCOU.) FIND ART, DOC