L’ARCHITECTE 4t JULIEN GUADET SA VIE ET SES ŒUVRES FIG. 36.— JULIKN GUADET 11834-19081 L’architecture contemporaine vient de faire une perte cruelle Julien Guadet n’est plus. Le vide que sa mort a créé est d’autant plus consi-dérable que non seulement il remplissait supérieu-rement les hautes fonctions que son travail persé-vérant, son grand talent lui avaient values, mais encore et peut-être surtout parce qu’il était un maitre estimé tout particulièrement pour son carac-tère élevé et pour ses conseils éclairés. Tous les architectes appréciaient son dévouement professionnel ; ils savaient combien sa haute intel-ligence, sa bienveillance et sa droiture étaient toujours prêtes à défendre, è faire prévaloir le juste et l’utile. Julien Guadet a appliqué son esprit ordonné, son amour du vrai aux diverses manifestations qu’un architecte peut donner de son activité. Artiste, ses oeuvres, par leur cachet personnel si profond, ont plusieurs fois donné l’impulsion au progrès. Pro-fesseur, il laissera par son enseignement et plus encre par ses Elements et Théorie de l’Archi-tectuore un souvenir impérissable. Expert, Inspec-teur général, ses avis étaient tous frappés au coin de cette clairvoyance, de cette pénétration qui les rendaient infiniment précieux. Julien Guadet naquit à Paris, ie s3 décembre 1834, d’une famille originaire de Saint-Emilion; son aïeul, maire de cette ville sous Louis XVI, put déjà faire preuve de libéralisme au cours des luttes économiques dont cette région de la Gironde était alors le théâtre. Son grand-père, officier de marine, était le frère du conventionnel qui fut une des gloires de la Réro-lution. Imbu des vrais principes répu blicains,J . Guadet avait un grand sentiment d’indépendance; il en donna la première preuve au moment où, en t 863, le gou-vernement impérial voulut réorganiser, mieux vau-drait dire désorganiser, l’Ecole des Beaux-Arts, en supprimant les ateliers extérieurs, en bouleversant l’enseignement, en fixant à vingt-cinq ans la limite d’âge pour le concours de Rome. Cette dernière réforme arrêtait dans leurs études les plus brillants élèves de l’Ecole et ruinait leurs espérances. J. Guadet, élève de H. Labrouste et de Jules André, était titulaire du prix Rougevin, du prix A. ‘Moues, de la Grande Médaille d’Emulation, du Second Grand Prix de Rome; vrai Girondin, il fut de ceux qui, organisant la résistance, réussirent à faire modifier le projet de règlement, es l’administration décida que le Grand Prix pourrait être décerné pendant quelques années encore aux jeunes gens ayant moins de trente ans. Dès l’année suivante, en 884, Julien Guadet obtint le Premier Grand Prix avec un projet d’Hos-pice dans les Alpes comprenant une église avec un eouvent, une hôtellerie pour les voyageurs, des bâtiments de dépendances; l’ensemble, groupé sur le flanc abrupt d’une haute montagne, a un aspect puissant dont le caractère convenait au tempérament de l’auteur du projet; on y trouve aussi une sincère vision des réalités. En Italie, comme pensionnaire de l’Académie de France, Guadet fut pendant cinq ans l’hôte de la villa Médicis, le camarade de Delaplanche, I3arrias, H. Regnault, Machard, Brune, etc. Cette vie de recueillement, de travail lui plaisait, convenait à son esprit appliqué, à son besoin d’approfondir ses admi-rations. Il ne se contenta pas de faire de beaux dessins sur le temple de Mars Vengeur, sur les Loges de Ranh.’ au Vatican, sur les Procuraties de Venise, d’exécuter de nombreux croquis et de belles aqua-relles d’après les monuments les plus caractéristiques des régions visitées par lui (PI. XXXII et XXXIII); ses tendances investigatrices .le portèrent encore à étu-dier pour lui-même, en dehors des prescriptions du règlement,le Colysée, un des édifices les plus considérables que nous ait légués l’Antiquité. Après l’avoir mesuré, en avoir étudié la construction dans s moindres détails, il rendit compte dans une série dees savantes perspectives de le structure de cet étonnant et rasse monument. Cette étude, composée de douce dessins et de quelques pages de texte, fut si appréciée que la publication en fut faite peu après en un vo-lume in-folio. Ce grand travail ne l’empêcha pas de produire deux œuvres importantes pour ses deux dernières années de pension la restauration du Forum de Trajan et de la Basilique Ulpienne, dont les dessins sont h la Bibliothèque de l’Ecole des Beaux-Arts, et un monument à la mémoire des Girondins. JUIN ,o8