116 L’AMOUR qui simplifie de plus en Plus ses décors et se montre très sûre désormais de sa technique, les céramiques de Lyée de Belleau au goût un peu aventureux, mais dont le vase aux faunes est une pièce fort réussie, les verreries de Baleardjeff, les verres pressés et soufflés de Sabino, les flacons décorés dans un goût japonisant Par Mue Kohn. J’ai remarqué encore les nielles de Mme Olga Lœwens-tein, les objets en orfèvrerie d’étain de Desprès, d’une belle qualité de forme, les dinanderies de Llaurensou, les fers forgés de Poillerat, lampes et chenêts, l’écran de fer forgé de Coqu, d’un dessin sobre et robuste, les émaux de Minuit et de le Catit, enfin les reliures de Moullade et de Mlle Ossent. On Pourrait ajouter quelques noms h cette sélection où je n’ai prétendu retenir que le meilleur. Ce qui est certain c’est qu’en art décoratif la matière impose aux artistes une disci-pline qui leur Permet presque toujours d’éviter les excen-tricités commises si facilement Par les peintres dans ce Salon, oit il est parfois tentant d’abuser de la pleine liberté laissée à chacun. Que seront nos nouvelles monnaies d’or et d’argent 1′ Il est encore difficile de le dire. Quels que soient les modèles adoptés, avec ou sans corrections, ils seront honorables et n’atteindront pas à l’horreur des derniers billets de mille francs mis récemment en circulation. Le concours a été meilleur Pour les pièces d’argent que pour la pièce d’or de cent francs. Les • dimensions assez réduites de cette dernière ont-elle gêné les concurrents ? Je ne sais. Les Projets de MM. Bazor, Dropsy, Guibert, Morion et Turin m’ont Paru réitnir les meilleures qualités. Aucun d’eux ne s’impose, à dire vrai. Le ministre des finances a retenu celui de M. Bazor. Il est un des plus agréables. Pour les pièces de 20 francs en argent, aux Projets de MM. Bazor, Morton et Turin il faut ajouter ceux de MM. Delannoy, Popineau et Rasumny qui rendaient Plus lourde encore la resPonsa-bilité incombant au jury de faire un choix définitif. M. Turin, l’auteur de la médaille de l’Exposition des Arts décoratifs, l’a emporté sur ses concurrents. Et nous aurons bienlêt deux Républiques, coiffées toutes deux du bonnet Phrygien avec ou sans aileron, avec ou sans couronne, l’une regardant à droite et l’autre à gauche. Toutes les susceptibilités Politiques se trouvent ainsi ménagées Par un gouvernement d’union nationale. On Parcourt avec une bieniTillance consentie d’avance l’exposition de la décoration française contemporaine au Pavillon de Marsan. Elle est organisée sur l’heureuse initiative de l’Union centrale des arts décoratifs, par la Fédération des industries d’art qui groupe la Plupart des Chambres syndicales dont dépendent ces industries. Il v a là un effort qu’il conviendrait d’encourager. Cette bien-veillance acquise en Principe à tout ce que tentera l’industtie française Pour soutenir la cause de l’art cont( inPorain, n’exclut pourtant pas chez le critique, le droit de faire quelques ri serves et le devoir de dire, dans l’intérêt gcnéral, ce qu’il croit être la vérité. Que les industriels, après treille ans d’hésitations « renoncent enfin aux formules Périmées », comme le dit .11. A. Gou-main et se décident à. suivre le mouvement créé Par nos artistes, c’est très bien! Fncore faut-il qu’ils n’exagèrent Pas le mérite qu’ils ont eu à marcher avec leur temps. En vérité le Public les y a contraints. Séduit Plus vite qu’eux-mêmes par les travau e de nos artistes décorateurs, il réclame des Mobiliers modernes. Se dérober serait Pour les industriels la ruine. Ils n’arriveraient plus à placer en France leurs Pastiches des anciens styles et ils se fermeraient en outre tous les marchés de l’étranger. L’art moderne a remporté sa victoire la plus difficile en obligeant ainsi notre industrie, quelquefois et souvent même malgré elle, à transformer sa production et à suivre le goll,1 du jour. Mais cela est du Passé. Le Problème le Plus ardu qui se Pose aujourd’hui est celui de la collaboration entre DE L’ART artistes et industriels. Ils ne Peuvent rien les uns sans les autres et les industriels particulièrement qui seraient tentés de se passer du concours des artistes sont voués d’avance à l’échec. Artistes et industriels ont tous les deue un rôle différent à jouer et celui de l’industriel, s’il veut rester dans son domaine Propre, suffit entière-ment à son activité. C’est à lui, en contact plus direct avec le public, qu’il appartient de connaître ses besoins, de satisfaire à ses demandes, de chercher parmi les créations de nos artistes celles qui méritent d’être vulgarisées, c’est-à-dire traduites en série à des Prix abordables, sans rien leur enlever de leur caractère et de leur beauté. Notre confrère Rambosson a raison d’insister sur ce Point dans son avant-propos du Cata-logue. « Un art ne Peut durer à notre époque, écrit-il, rue s’il arrive Par certains côtés à intéresser la masse. S’il demeure la satisfaction de quelques-uns il apparaît condamné d’avance à une existende éphémère. » La Production de nos industriels doit tendre à s’adresser moins à une élite trop peu nombreuse, qu’aux classes moyennes, dent la clientèle seule assure à une industrie les gros débouchés dont elle a besoin. C’est là le rôle capital qui revient à l’industrie, d’accord avec son intérêt. Or la Présente ex:Position démontre trop clairement que les industriels français n’ont pas encore compris oà était leur intérêt. Alors que l’Union centrale des Arts décoratifs avait conseillé à chacun d’exécuter soit le meuble de luxe, soit le meuble Pour classes moyennes, c’est au meuble de luxe que chacun a pensé d’abord. Je n’ai vu qu’un seul stand nous proposer une chambre à coucher qualifiée de « moyenne ». Mais le Prix de cette chambre qui n’est Pas trop élevé Pour la qualité de la matière, dépasse 15.000 francs. Croit-on vraiment intéresser ainsi les classes moyennes ? Si l’on ne veut pas tenir comPte de ces considérations capitales Pour l’avenir de nos industries d’art, comment juger l’ensemble de cette exposition ? Remarquons d’abord que Parmi les artistes collaborateurs cités par les industriels, hormis Bagge, Fréchet, Bouchet et Michel Dufet, il n’en est Pas un dont la signature soit vraiment d’avance une garantie certaine de goût. On a tenté, semble-t-il, des exPériences avec des artistes jeunes, estimables, sans doute, mais dont l’expérience est en train de se faire. Le résultat s’en ressent. Non Pas qu’il y ait de véritables erreurs commises. Tous ces ensembles sont assez honorables. Aucun ne répond pleinement à ce que nous attendions. La plupart des industriels ont eu le souci trop évident de montrer qu’ils étaient capables d’égaler les créations des artistes les Plus réputés de nos Salons. Ils n’y ont réussi qu’à demi. Et même s’ils avaient Pleinement réussi ils auraient encore eu tort Parce qu’ils devaient envisager le Problème en industriels, azitreinent que l’artiste qui, sur commande, et pour satis-faire la fantaisie d’un amateur, crée une pièce unique. Citons en terminant et Pour illustrer notre thèse, les ensembles qui correspondent le mieux à ces idées : le cabinet de travail de Fréchet exécuté Par Jacquemin de Strasbourg, la salle à manger en loupe d’amboine d’Epeaux et fils composée Par M. H. Epeaux, le cabinet de travail dessiné Par Jean Bart Pour Gouffé, la salle à manger de Jean Champion, Pour les frères Guérin. Nous eussions voulu beaucoup d’oeuvres Présentant ces qualités sobres, moyennes, bien équilibrées et conformes à nos meilleures traditions françaises. Parmi les ensembles Plus luxueux, mentionnons la cabine composée Par M. Georges Raymond pour un Paquebot des Messageries Maritimes et exécutée Par les ateliers Marc Simon, le studio d’Eric Bagge pour les frères Mercier, et la salle à manger de Saddier. GASTON VARENNE. FIND ART DOC