L’Art Français Indépendant Première Exposition A la suite de dissensions assez fortes qui s’étaient produites au sein des Indépendants, un nouveau grou-pement s’est formé, qui vient de se manifester par une exposition. Le Comité de l’Art Françaie Indépendant groupe un certain nombre d’artistes de valeur pour lesquels j’ai la plus vive estime. Mais j’aime mieux leur dire nette-ment qu’ils me paraissent faire fausse route; et cela pour plusieurs raisons. La première, c’est leur programme, qu’ils réàument ainsi : « Restituer aux artistes vraiment indépendants le cadre et l’esprit des Indépendants d’avant-guerre ». Ils n’oublient qu’une chose : c’est que nous ne sommes plus en 1900, ni en 191o, mais en 1929. Les condi-tions matérielles de la peinture, l’état d’esprit des peintres, du public, des marchands, tout est différent. Avant la guerre, il y avait relativement peu de peintres d’avant-garde ; peu de mar-chands et peu d’amateurs les encourageaient, et les ache-taient. Aujourd’hui, les ga-leries se multiplient; on peut, si l’on en a le goût, visiter soixante-dix ou quatre-vingts expositions par mois. La peinture moderne est soute-nue par des amateurs dans le monde entier, par des mar-chands, par des revues, par (les éditeurs qui publient des ouvrages copieux et lu-xueux. Comparez la situation matérielle, aujourd’hui, d’un Matisse, d’un Picasso, d’un Chagall, à celle qu’avaient, au même âge, un Renoir, un Cézanne, un Sisley, Notez bien que je ne reproche nul-lement à ces artistes de ne pas vivoter misérablement ; tant mieux pour eux s’ils pos-sèdent la gloire et la fortune. Je veux seulement préciser que leur situation est radica-lement différente de celle de leurs prédécesseurs. Avant la guerre, les artistes modernes exposaient aux Indé-pendants parce que nulle part ailleurs ils ne pouvaient montrer leur peinture au public. Aujourd’hui, un Paul Klee, dont l’art est ce qu’on peut imaginer de plus  » avancé « , de plus éloigné de l’idéal esthétique du public moyen, expose dans une des plus somptueuses galeries de Paris, et ses oeuvres sont disputées par un petit groupe d’amateurs enthousiastes. Mais à quoi bon accumuler les faits ? La divergence entre les deux époques se résumerait fort bien en une phrase : avant la guerre, être un peintre d’avant-garde représentait un gros risque, tandis qu’aujourd’hui, c’est d’un excellent rapport. Pour « restituer aux artistes vraiment indépendants le cadre et l’esprit des Indépendants d’avant-guerre », il faudrait d’abord modifier profondément l’état d’es-prit des artistes, du public, des marchands. 11 faudrait être impitoyable pour les médiocres, pour les arrivistes, les réputations soufflées, les spéculations, la mode. Tant que l’atmosphère de la peinture ne sera pas nettoyée, la tentative de l’Art Françaid Indépendant n’aboutira qu’à ajouter aux innombrables expositions une expo-sition de plus. Mais ce n’est pas tout. Pour faire partie, comme exposant, de la nouvelle So-ciété, une condition est re-quise : être artiste profes-sionnel, Cette qualité doit être affirmée par une décla-ration de l’intéressé, et véri-fiée par la Société. Au cas où un exposant « changerait de profession « , il serait considéré comme démission-naire. J’en suis fâché, mais voilà qui me paraît tout simplement absurde. Car ce règlement aboutit à ceci : un mauvais peintre, qui, comme il en est, bâcle des toi-les toute l’année pour vivre, fera partie de la Société ; mais un bon peintre qui ne veut pas que l’exercice de son art soit influencé par les nécessités matérielles, gui ga-gne sa vie en exerçant une profession, et peint à ses moment de loisir, celui-là ne pourra faire partie de la So-ciété. Bouguereau pourrait être de l’ Art Français In-dépendant, mais non le Doua-nier Rousseau ; ni Guillaumin, ni Gauguin, du temps où il travaillait Ch°3 un boursier. Quelle singulière con-ception du métier de peintre ! Les statuts de la Société prévoient également que les artistes doivent s’engager à ne participer à aucune exposition de sociétés françaises ayant un jury. Voilà qui exclut les exposants des Artistes Français, de la L. BOUQUET. – PORTRAIT. FIND ART DOC