104 L’AMOUR DE L’ART des Cadets?… Bau-delaire, Rimbaud, Andersen, Poë, Mi-chel-Ange, Goya, Delacroix !… Lui-sant de sueur, les mains recouvertes d’une épaisse et gluante boue noire, à pleines pelletées, il jette le charbon dans la gueule insa-tiable du brasier. 11 y a peu, il s’inventait des aventures qu’il illustrait sur le beau papier du Corps des Cadets à Péters-bourg. Il s’inventait des aventures !… Indésirable en An-gleterre — oh ! ce jeu de pelote des puis-sances civilisées ! —il repart pour l’ Egyp-te. Un jour le bateau fait escale à Marseille, EAU-FORTE  » LES NUITS DE le soutier s’échappe, prend un billet pour Paris. Paris. Alexeieff a tout oublié du français qu’il parlait quand il était enfant. Tout oublié sauf deux mots :  » Quartier latin « . Des passants indiquent la direction, dis-traits un instant par ce grand blond à la face ravagée et reprennent, avec leur route, le fil de leurs pensées. C’est la vie anonyme dans la ville im-mense. La lutte de chaque jour pour l’existence. Son cortège d’épreuves et de misères. Le découragement, le dégoût. Après tant de besognes, toutes plus ou moins déprimantes, Alexeieff rencontre le directeur de la Comédie, du Théâtre et du. Studio des Champs-Elysées. Pour cent trente-cinq francs par semaine, il doit exécuter les maquettes et les décors pour .les trois scènes. Travail formidable, on le conçoit ; le décorateur ne travailla-t-il pas une fois soixante-huit heures de suite ? sirt3ÉntE « . Eail. Flammarion. Soupault. Soupault, poète et son tempérament d’artiste, a tôt fait de découvrir en Alexeieff un séduisant talent. Il lui fait illustrer La Pharmacienne, de Giraudoux (éditions de Cahiers libres), que le jeune graveur orne de xylographies d’une facture personnelle et sûre. Cet ouvrage, recherché des bibliophiles, té-moigne des dons poétiques les plus dis-tingués. Plus tard, donnant libre cours à une fantaisie longtemps refoulée , Alexeieff grave sur bois une série de planches, où il ne se soucie d’aucune logique, d’au-cune discipline, libération de tant de rêves qui prennent corps et dont l’ensemble constitue pour l’artiste une excellente, une nécessaire expérience. Jean Genbach trans-pose littérairement ces poèmes plastiques et l’ouvrage paraît à la Tour d’Ivoire, sous le titre de L’Abbé de l’Abbaye. A partir de ce moment, Alexeieff a Il sait ce que coûte d’efforts et de souf-frances la partie ma-térielle d’une créa-tion artistique. Pitoeff, ensuite, lui confie toute la com-position des décors. Parmi ceux qui fu-rent particulièrement remarqués et unani-mement appréciés, il convient de citer les magnifiques compo-sitions pour  » Sainte Jeanne » et « Henri IF », que la critique et le public parisien ac-cueillirent avec en-thousiasme. Enfin, Alexeieff quitte le théâtre, se remet au dessin et grâce à Jean Gen-bach, fait la connais-sance de Philippe avec son instinct de FIND ART DOC