FIND ART DOCK Alexeieff, graveur irE temps est proche où la critique saluera en Alexeieff un des plus di remarquables graveurs et des plus subtils artistes de notre époque. Actuel-lement, Alexeieff travaille dans l’ombre et le silence. Il travaille avec acharne-ment, sans souci de réclame. Il me plaît tout particulièrement de parler de lui avant qu’on s’en empare. Très bel artiste, c’est aussi un coeur et un esprit d’élite, ce grand garçon de vingt-huit ans, à la voix harmonieuse et grave, traînant parfois sur les dernières syllabes des mots auxquels il donne un sens et un relief extraordinaires. Sa parole est une musique tantôt caressante et plaintive, tantôt d’une sonorité rauque, toujours infi-niment attachante et troublante. Ses yeux, profondément enfon-cés au creux des orbi-tes, attirent par tout ce qu’ils portent de mystère. Des yeux bien éloquents, en vérité : ils ont vu tant de choses !… Ils ont vu, tout d’abord, la grande maison d’une famille de gentilshom-mes russes où le soir, à l’heure du marchand de sable, ils se fer-maient au rythme câlin d’une nourrice qui chantait des chansons de France. Ils ont vu, au temps de l’adolescence, l’ali-gnement des bâti-ments de l’Ecole pé-tersbourgeoise du Corps des Cadets, car on destinait le jeune Alexandre Alexeieff à la carrière des armes. Ils ont vu… Bon élève mais piètre militaire, le Cadet répugnait au maniement du sabre ou du fusil. Il rêvait d’une autre gloire et pré-férait consacrer ce qu’il pouvait sauver de son temps à la littérature et aux arts, que l’on respectait toujours dans cette école et que quelquefois on comprenait. On les respectait à tel point qu’au jeune élève on fournissait autant de papier qu’il désirait afin qu’il put dessiner. Il dessinait beaucoup. Il dessinait avec pas-sion, avec frénésie, tâchant à exprimer par des lignes un peu de son âme multiple. Il dessinait des hom-mes, des bêtes, des hommes et des bêtes. Tout ce monde vibrait, s’agitait dans un per-pétuel mouvement. Car le mouvement, pour Alexeieff, c’était le grand mystère qu’il s’agissait de pénétrer, la clef magique, le mi-racle qui l’emplissait de délices et de crain-tes. Sous la plume ou le crayon du Cadet de Pétersbourg, tout un monde vivait d’une vie fantastique. Alexeieff s’inventait des aventures qu’il illustrait, réminiscen-ces et transpositions de ses lectures. Le jeune homme en ce temps se grisait, s’in-ILLUSTRATION PJUR  » LES FRÈRES KAR N’AZOV « . Mi. Je la Pléiade. toxiquait de poésie. Avec quelle ferveur