100 L’AMOUR DE L’ART JEUNESSE (1925). Et laissant retomber la tenture, il en vient à me montrer ses oeuvres les plus récentes, le buste de Mlle J. A…, d’un faire libre et très sensible, le buste si expressif de Madame Kolbert, puis, enfin, celui d’Odile, la fille de l’artiste, dont le charmant visage est encadré par une large chevelurequi s’étale derrière les épaules comme un lourd manteau. La spiritualité de ce visage un peu austère fait songer aux faces rêveuses de nos vierges gothiques. Comme il paraît plus près de nous, ce Jeune garçon, à l’air volontaire, à la lèvre boudeuse et dont la vie intérieure se traduit par le frémissement des narines et les plis de la bouche aux coins retroussés I Le buste de Mlle A. H…, en bronze noir, a la même plénitude que les précédents. Arnold met encore sous mes yeux une figure en terre cuite. C’est une femme assise et qui se coiffe. Toutes les courbes qui se rejoignent et se referment donnent à la composition un aspect absolument clos. On pourrait dire à peu près la même chose de Diane ramassant un faisan, une figure de plâtre à laquelle l’artiste travaillait lorsque je suis entré. Toute la figure s’enferme dans une série de lignes qui dépendent les unes des autres. Les courbes du cou, des bras, des cuisses, affluent vers le torse et les hanches, les entourent et les enlacent amoureusement. J’interroge Arnold sur sa technique : — En sculpture, comme dans tous les arts, me répond-il, il faut chercher la hiérarchie des lignes et des formes, si l’on veut obtenir le poids et la densité du corps vivant. Toutefois, le métier ne doit pas être préconçu ; il doit être dicté par l’émoticn. — Que pensez-vous de la taille directe? Il prend un air dédaigneux : — La taille directe? Mais elle limite les possibilités de l’artiste au lieu de les accroître I Il y a dans cette technique une part de hasards dont l’artiste peut pro-fiter niais qui ne dépendent ni de sa sensibilité ni de sa volonté. Moi, je tiens à faire ce que je veux. Or, avec la taille directe, on est mené ; on perd la direction de son oeuvre. — Vous préférez le modelage? La terre surtout? — Je travaille aussi sur le plâtre en amenant les lumières où je pense qu’elles doivent se poser. Et, me montrant sa Diane marquée, par places, de signes au crayon : — Je dessine sur le plâtre comme sur une page blanche. Je cherche le tracé des lumières, persuadé que c’est par lui que la forme nous est révélée. Je cherche ce tracé sur le modèle. Je ne l’invente pas; je cherche les divers chemins de lumière, allant du plus simple au plus complexe. SUZANNE, BRONZE NOIR (1925). Pbotp Rpoen FIND ART, DOC