Arnold Entre deux hautes bâtisses, boulevard St-Jacques, s’ouvre une ruelle dont les brins d’herbe font, avec les pavés entre lesquels ils poussent, une manière de mosaïque. Au fond de cette ruelle s’étend un jardin qu’entourent quelques ateliers d’artistes, C’est dans un de ces ateliers que me reçoit le sculp-teur Arnold. Avec sa face puissante et large, ses che-veux ondulés où luisent quelques fils d’argent, sa barbe blonde, touffue, carrée, le regard clair de ses yeux gris, il fait songer à certains personnages aristo-cratiques des romans de Tolstoï. Au reste, ce n’est là qu’une ressemblance trompeuse. — Je suis né à Paris, me dit Arnold. Mes études secondaires achevées, je me suis tourné vers la sculp-ture, malgré mes parents. La nécessité m’ayant obligé à choisir un métier, je me suis fait sculpteur ornema-niste. Pendant dix ans, j’ai tiré de la pierre l’essentiel de ma vie… J’ai tapé dans bien des façades… En 1909, à la suite d’un concours, on le nomme professeur de dessin à l’Ecole Ger-main-Pilon, qui ne de-vait pas tarder à deve-nir l’Ecole des Arts Appliqués, après sa fusion avec l’Ecole Bernard Palissy. Elu sociétaire de la Natio-nale, en 1911, il devient, dix ans plus tard, mem-bre du Conseil d’admi-nistration. En 192’5, il quitte la Nationale avec quelques autres dissi-dents pour fonder le Salon des Tuileries, Depuis 1909, il emploie les loisirs que lui laissent ses fonctions de professeur à travailler pour lui. Parmi les oeu-vres marquantes de cette période féconde, il faut citer un marbre : Lilette, acheté en 1911 par la Ville de Paris pour le Petit-Palais ; une figure de bronze : La Première Offrande, et le Bude de Madame Kolbert, que l’Etat vient d’acheter pour le Musée du Luxembourg: En 1y25. il expose aux Arts Décoratils une figure destinée à la décoration de la Cour des Métiers. On lui commande des monuments aux Morts, celui de Bouleut s. lui de la Chapelle-sur-Crécy et celui de Villers-Cotterets, qu’il exécute avec Dejean. Comme je regarde, en face de moi, de curieux pay-sages baignés d’une lumière froide, Arnold ajoute : — J’ai oublié de vous dire qu’après l’Exposition de 190o, je suis allé en Russie. Pendant un an et demi, j’ai parcouru tout le sud de ce pays, où j’ai exécuté divers travaux. C’est là que j’ai peint ces études… Un instant après, il me montre ses sculptures, qu’il place dans un jour favorable, sur une selle métallique. D’abord, le portrait de son père, un de ses tout pre-miers essais. — En modelant ce visage, je sentais très bien, me dit Arnold, que je devais négliger ce qui est anecdo-tique et rechercher avant tout la forme. Mon but, mon souci, c’est de découvrir la vie par le truchement de la forme elle-même. En art, il y a un écueil à éviter, c’est l’excès de l’analyse… Cet excès est commun à tous les débutants. Il y a des phases de refroidisse-ment qu’il faut franchir et qu’on ne franchit qu’avec du temps et de la culture… Tout en parlant, il place devant moi un buste de femme modelé en 1905. On y retrouve les mêmes recherches que dans l’oeuvre pré-cédente, mais -plus affir-mées. Il n’y a point là encore de belles pro-portions, de beaux rapports. Les détails ne se groupent pas pour s’opposer à d’autres détails. Or ce sont ces oppositions de groupes de détails qui donnent à l’oeuvre sa subtilité. — Vous cherchiez avant tout la synthèse ? lui dis-je. ODILE. 3 FIND ART DOC