L’AMOUR DE L’ART sans perdre ses qualités d’honnêteté picturale, il s’émancipât un peu ; et qu’à force de ne rien vouloir laisser au hasard, il n’aboutisse pas à un excès d’insis-tance. Mais comment lui en vouloir, lorsque l’on regarde ces paysages de Bourgogne ou du Lyonnais, si pleins et si justes ? Ou ces paysages de Paris, où il nous res-titue avec tant de vérité l’atmosphère de la ville, ses trottoirs mouillés qui reluisent comme du satin, les hautes falaises grises des maisons, les grands ciels brouillés où passent les nuages ? Ce que Berthold Mahn aime par dessus tout, c’est le Paris de la rive gauche ; et pour être plus exact, le Paris du Quartier Latin. Que ce soit dans ses peintures ou dans ses illustrations, il exprime à merveille ce quartier où l’esprit demeure malgré tout préféré à la matière, où l’on dédaigne l’élégance et la grosse sen-sualité, où la médiocrité des ressources est compensée par les plaisirs de l’intelligence. Aussi Mahn est-il l’illustrateur sans rival des romans de Duhamel. Ne lui demandez pas de retracer les fêtards de Montmar-tre, les élégances de la Place Vendôme, les riches et tristes avenues de l’Etoile. Il est le peintre du Boulevard Saint-Michel, des petites rues qui entourent le Panthéon, de la place Saint-Sulpice, des quais. Il y rencontre les pauvres âmes chères à Duhamel, mais il ne leur res-JACQUES COPEAU. – DESSIN. JEAN-RICHARD BLOCH. – LITHO. 95 semble guère. Ce garçon roux, à la voix enrouée et gouailleuse, n’appartient pas à la race des chimériques et des faux mystiques ; c’est un humaniste, et un sage. * * Mais revenons à sa peinture. Il ne faudrait pas négliger que, si dans une toile de Mahn rien n’est jamais esquivé, c’est parce qu’il a derrière lui des heures in-nombrables passées à dessiner. Un paysage de Mahn n’est pas établi sur une mise en place sommaire, mais sur un dessin très serré. Voyez plutôt la façon dont il traite les arbres. A force de travail et de réflexions, Mahn est arrivé à connaître l’anatomie de l’arbre comme d’autres connaissent l’anatomie de l’homme. Il en saisit les lois secrètes, cet équilibre que poursuit toute créa-ture vivante. Il suit d’un oeil exercé les déviations, dis-cerne les causes de ces gauchissements. Auprès d’un arbre de Mahn, ceux de bien des paysagistes contem-porains ne sont que de mornes baIais,;des accessoires sans vie propre. ** On a voulu, depuis quarante ans environ, réagir contre le froid et banal dessin académique. Mais, sous prétexte que de rapides croquis habituaient les jeunes artistes à saisir l’essentiel des formes, on les a habitués à se contenter de ces croquis hâtifs. Le cro-quis est excellent, mais il ne suffit pas. Ce n’est qu’a-