L’ architecture du béton armé François Le Coeur Plus on y songe, plus la présomption de ces archi-tectes romantiques et sectaires dont nous parlions dans un précédent article, apparaît plaisante et vaine. S’éveillant au lendemain de la guerre, ils  » décou-vraient le béton armé et s’avisaient incontinent qu’on en devait déduire une architecture entièrement renou-velée. Les principes bientôt établis, ils décrétaient  » la Réforme  » à grand bruit. Un schisme allait-il s’ensuivre ? Que non pas : nous assistions seulement à la naissance d une nouvelle chapelle artistique… Sans doute, le redres-sement de l’esprit archi-tectural est un souci fort explicable que justifient une trop longue stagnation et certaines tentatives plastiques déplorables. – Mais, dans une telle mis-sion oà l’enthousiasme est nécessaire, la difficulté est de ne pas tomber dans l’outrecuidance ni dans la formule. Nous croyons avoir suffisamment souli-gné les erreurs de ces es-thètes et montré combien leurs préoccupations sont étrangères à l’Architectu-re. Nous avons dit que, bien avant eux, d’autres s’étaient enthousiasmés pour le nouveau matériau et en avaient tout natu-rellement tiré une esthéti-que rationnelle conforme aux principes fondamen-taux de la construction. Ces véritables novateurs à l’esprit classique firent alors du béton armé un credo décisif. Ils l’étudiè-rent avec ferveur comme ils avaient appris avec conscience les lois des matériaux assemblés. Mais leur allégresse eut pour contrepoids l’angoisse des premières applications, et c’est à ce frein, sans doute, que leurs oeuvres doivent d’être restées sages dans l’audace. C’est peut-être aussi parce que leur foi dans ce matériau fut sincère et dévotieuse que ces constructeurs-nés s’en servirent avec loyauté et respect. Ne serait-ce pas, enfin, les difficultés du début, (rencontrées dans la recherche de collaborateurs com-préhensifs et d’entrepreneurs ouverts, dans la persua-sion de clients timorés surtout), qui développèrent plus encore la méthode scrupuleuse dont nous les louons aujourd’hui? Ce qui est indéniable, c’est qu’ils furent avant tout des  » constructeurs des constructeurs qui révélèrent le béton armé, et non des théoriseurs à qui le béton armé aurait permis de se révéler. ** Par l’exemple d’une oeuvre de A. et G. Perret, nous avons montré précédemment en quoi l’esprit clas-sique pouvait se manifes-ter dans l’architecture du béton armé. Cette connais-sance et cet amour du métier dont nous parlions, cette probité et cette fran-chise dans la composition comme dans la construc-tion, nous nous plaisons à les souligner aujourd’hui dans les travaux de Fran-çois Le Coeur. Et l’on pourra aisément constater que, si la différence des tempéraments entre grands architectes a pour effet de leur assurer une personnalité bien mar-quée, leurs communes ver-tus professionnelles confè-rent à leurs oeuvres une réelle parenté classique. François Le Coeur est un  » bétonnier  » . Non seu-lement il s’est, de tous temps, consacré à la cons-truction en béton armé, mais il a la compréhension de ce matériau : il sait de-CENTRAL TÉLÉPIIONiQUE RUE BERGÉRE. 1911. puis longtemps ce que l’on peut en tirer et comment, par conséquent, on doit l’employer. Il en a l’amour et aussi le respect. Pourtant, ce serait encore trop peu dire : Le Coeur est, avant tout, un architecte (1). C’est un travailleur pour qui l’étude d’un programme n’est pas prétexte à virtuosité. L’idée qu’il se fait de la (i) François Le Coeur est issu d’une famille d’architectes. Son père Charles, élève de Labrouste, est l’auteur des lycées Louis-le-Grand et Montaigne. Son grand-père paternel, Charles également, a peu exercé ; on lui doit le boulevard des Pyrénées à Pau. Son grand-père maternel, Théodore Charpentier, édifia le théâtre d’Avignon et l’Opéra-Comique de Paris (i84o) qui brûla en 1887. FIND ART DOC