le béton permet tout ce que per-met la’ pierre, avec quelque cho-se — quelque chose d’essentiel — en plus, tandis que le fer ne per-met pas tout ce que permet la pierre.  » La construc-tion se crée it elle-même sa for-me ». Sans doute. Mais jusqu’à un certain point seulement. Pour le fer, il semble que ce point n’ait pas été encore dépassé, peut-être même n’est-il pas atteint. Car, techniquement, les constructions nouvelles sont en progrès sur les cons-tructions anciennes. Il est vrai encore que notre sentiment se satisfait d’une forme ainsi directement issue de considérations uniquement utilitaires : un solide d’égale résistance a son harmonie. Cela doit tenir à ce que la vision —le « prospect », aurait dit le vieux Poussin, en le différenciant du simple  » aspect  » — est très contaminée d’opérations intellectuelles, et que celle qui consiste à percevoir que le minimum de matière a été employé à remplir une fonction, a par elle-même quelque chose d’enivrant. Mais enfin n’y a-t-il que cela ? Nous avons l’exemple de la pierre. Je dis : « l’exemple « , non la leçon, et me garde pour l’instant de recommander l’imitation de l’architecture en pierre pour les autres matériaux. Si vraiment les constructeurs anciens avaient raisonné comme M. Giedion, ils n’auraient marqué que bien peu d’étapes, et nous connaîtrions bien peu d’architectures : l’entassement cyclopéen, l’architrave, l’arc, la voûte et la croisée d’ogives. Or en fait il existe des architectures de pierre profondé-ment différentes de celles qui les ont précédées, sans qu’elles y ajoutent un seul élément technique nouveau. Faut-il les rejeter ? et faut-il rejeter aussi tout ce que les premiers constructeurs sont allés emprunter à d’autres matériaux pour la traduire en pierre : la frise dorique, par exemple, qui transpose des éléments de charpente en bois ? Certainement nous avons des progrès à faire dans l’emploi du béton armé. Mais, dès maintenant, on peut prévoir que l’évolution technique s’accomplira par paliers, comme celle de la pierre. Au palier où ‘AMOUR DE L’ART 55 PONT, TRANSBORDEUR DE MAIi>EILLE, 1905. ARNODIN, CONSTRUCTEUR. nous sommes, la différence essen-tielle entre les deux matériaux paraît celle-ci, au dire même de M. Giedion : la paroi de pierre — qui se construit par assises — est mas-sive et portante. Avec le béton —qui ignore les as-sises — la paroi ne joue plus aucun rôle constructif : c’est une simple pellicule isolante interposée entre l’espace intérieur et l’espace exté-rieur. Tout le bâtiment, et en particulier ses éléments horizontaux, sont pour ainsi dire « suspendus » à des piles verticales continues. D’où une sorte de construction aérienne. Ajoutons que c’est là que ‘lotte auteur ingénieux, mais spécieux, voit le principal rapport entre le fer et le béton : le premier nous aurait habitués à une appa-rente fragilité, à l’irruption de l’atmosphère dans le bâtiment, il aurait détruit pour nous le concept de monumentalité. Le grand mérite d’un Le Corbusier serait d’être allé jusqu’au bout et d’avoir enfin réalisé intégralement cette interpénétration du cube d’air et du cube de matière. N’y a t-il pas là une confusion entre la structure d’un bâtiment, et son expression ? Celle-ci, massive ou légère, ne résulte pas du tout de l’épaisseur des parois, mais du rapport des pleins aux vides dans la la surface. Peu importe que le mur qui délimite l’espace soit mince comme une coquille d’oeuf. Du moment qu’il est continu, qu’il n’a pas de fenêtres, il paraît massif. Les docks, construits par Perret pour Casablanca, ont beau avoir des voûtes réduites à l’extrême, personne ne les trouvera légers. Et décla-rer que la véritable expression du béton armé est une expression aérienne, c’est oublier que nombre des constructions industrielles où on l’a utilisé : cuves, silos, même les fameux hangars d’Orly, tirent leur beauté de leur massiveté même. Aussi quand M. Giedion donne arbitrairement sa définition de l’architecture, liée indissolublement, dit-il, au matériau  » pierre « , lorsqu’il triomphe ensuite de l’étroitesse de cette définition, et propose, en FIND ART DOC