44 enlève à l’homme l’ha-bileté manuelle, la possibilité de créer constamment avec la matière des formes nou-velles, on le rend im-puissant. La virilité s’échappe impercepti-blement de lui et il devient incapable de se donner dans un geste d’amour au travail, ou aux femmes. « Standar-disation ! Standardisa-tion ! » tel devait être le cri de guerre de mon époque. Or toute stan-dardisation est néces-sairement une standar-disation en im p uis-sance. C’est la loi de Dieu. Les femmes qui choisissent la stérilité, choisissent parlà-même l’impuissance — peut-être pour donner de meilleures compagnes aux hommes des usines —, dans une ère de standardisation. Vivre, c’est créer constamment des formes nouvelles; avec le corps, par des enfants vivants ; par des forces nouvelles et plus belles taillées dans la matière… Impos-sible d’invoquer un personnage précis pour lui faire endosser le blâme, mais comme l’homme, nommé Ford, de Dé-troit, a contribué davantage que n’im-porte quel autre de mon temps à faire aboutir la standardisation à sa fin logique, ne pourrait-il pas être considéré un jour comme le grand tueur de son époque?… A notre époque, pourquoi n’aurions-nous pas tous des maisons identiques, des hommes et des femmes vêtus tous de façon identique (je crains que nous n’ayons du mal à faire accepter ça aux femmes), des aliments stric-tement identiques, des rues identiques dans toutes nos villes ? Il est certain que l’indivi-dualité est néfaste à une ère de standardisa-tion. Il convient de l’anéantir sur-le-champ L’AMOUR DE L’ART PEINTURE DE FOYER A SLOVENSKYGROB (SLOVAQUIE). et sans merci. Donnons à tous nos travailleurs des salaires de plus en plus élevés, mais anéan-tissons en eux toute floraison d’individua-lité. Cela se peut faire ». Je regrette de ne pouvoir citer ici bien d’autres passages du livre d’A nderson : « Je suis un homme », puisés dans la remarquable traduction de Victor Llona. Il me faut ce-pendant mutiler encore deux passages pour en extraire ces deux excla-mations : « Stephen-son, Franklin, Fulton, Bell, Edison, vous les héros de l’âge indus-triel… tous vos triom-phes ont abouti à la plate absurdité dépourvue de sens d’une usine où l’on fabrique, par exemple, des pinces à accrocher le linge », et celle-ci : « Oh! la petite vanité futile des travail-leurs qui ont oublié la ruse des mains, qui ont longtemps permis aux machines de remplacer la ruse des mains !… l’ou vrier perdra toute sa foi, tout sentiment d’habileté manuelle ». Il est bien curieux de noter que Ma-dame la Doctoresse Alice Hamilton, ancien professeur de médecine indus-trielle, aboutit aux mêmes conclusions que notre poète :  » Au lieu d’être mieux pourvu (il s’agit de l’ouvrier d’industrie), en raison de tous les gains acquis depuis des siècles, n’est-il pas, dans la réalité, mentalement et physiquement plus pauvre ? Il serait bien ridicule de prétendre lutter contre le triomphe du progrès matériel, qu’il nous soit permis tout au moins de constater qu’il a tué l’art du peuple, c’est-à-dire qu’il a flétri une des plus belles régions de l’âme populaire et cette joie authentique q FIND ART DOC