orangées, bleu-vertes, dont la mélodie forme une des parties les plus attrayantes de ce petit chef-d’oeuvre. Les impressions chromatiques qui ont donné le premier choc forment le germe du tableau. Le traitement de la forme envisagée selon ses propriétés, amène Cézanne à des simplifications qui sont presque des déformations. Ce caractère des oeuvres de Cézanne a été illustré par le remarquable portrait de l’artiste à l’audacieuse ligne ovale de la tête (1880) (I), et par le non moins célèbre Portrait de Madame Cézanne dans la serre. Ce qui captivait Cézanne dans ce portrait, ce n’est pas le visage de sa femme mais la construction de l’ensemble, du torse et des bras, où l’on pressent déjà les problèmes de volume et d’espace de la première période du cubisme. En effet, une ligne droite de développement mène de la s peinture construite u de Cézanne aux principes cons-tructifs du cubisme. Cette tendance a été soulignée à l’Exposition par la confrontation des oeuvres de Cézanne et du Portrait de Vollard par Picasso. Les années 80-90 du siècle dernier sont pour l’art français une époque de transition. Dans les oeuvres de Van Gogh et de Gauguin se manifestent déjà les indices du développement ultérieur. Dans la peinture de Van Gegh on voit clairement non point une tendance à repro-duire strictement la réalité, mais le désir de se révéler soi-même, d’exprimer son monde intérieur. On parle de « l’expressionnisme « de Van Gogh ; en tout cas, on peut voir en lui le point de départ de ces tendances. Ainsi, le (I) A l’Exposition figurait aussi un autre portrait du peintre de son époque d’Anvers, d’un coloris monotone et d’une facture épaisse. Cézanne, coiffé d’une casquette et avec sa barbe longue, rappelle le portrait gravé par Pisser° en 1874. LA COLLECTION Parmi les quelques grandes ventes annoncées pour ce trimestre, celle de la collection Henri Canonne provo-quera certainement un grand mouvement d’intérêt chez tous ceux que passionne la peinture moderne. Aussi nous parait-il inutile d’insister sur la person-nalité de M. Henri Canonne qui, bien connu dans le monde artistique, a mis ses puissantes disponibilités financières au service d’un goût éclairé. C’est assez dire que la collection Henri Canonne est sans doute une des plus importantes de France, tant par la quantité que par la qualité des pièces qui y figurent. On y verra 63 tableaux, pastels et aquarelles. Quelques aquarelles de Jongkind, Dufy, Signac et Vlaminck précéde-22 Portrait du Docteur Rey peint par Van Gogh en 1889 à l’hôpital d’Arles. Le portrait de Gauguin par lui-même (1888) est pai-sible, statique et décoratif. L’art de Gauguin est un art complexe et éclectique. Si, sous un certain rapport, par la suppression de la troisième dimension et par sa manière de traiter la couleur, Gauguin annonce les « fauves s, Matisse en particulier, il nous semble que la stylisation de Maurice Denis procède aussi du solitaire de Papeete. Un portrait de femme de Maurice Denis (1893), qui figurait à l’Exposition, se rapporte à la meilleure époque de l’artiste. Matisse était représenté par la Femme en vert, typique dans sa simplification, et par le Portrait de la femme de l’artiste (1913). Sans doute, ces deux oeuvres peuvent-elles être qualifiées de « portraits x bien que la vraisem-blance y soit sacrifiée aux jeux de couleurs. A côté de Matisse et de l’éclatant Van Dongen (La Dame au chapeau noir) les portraits d’avant-guerre de Derain semblent particulièrement ascétiques. L’image allongée et schématisée du Chevalier X (2) lisant un journal, l’étude de Jeune Fille assise (1914) nous montrent Derain aux prises avec les problèmes d’expression et de construction ; dans ces oeuvres il est encore très éloigné du Derain d’après-guerre. Si nous notons les premières oeuvres si expressives de Picasso de la période bleue et si nous rappelons le célèbre portrait d’Apollinaire avec la Muse par Henri Rousseau et aussi le Portrait de A. Proust par Manet, nous aurons fait le tour de cette exposition. (2) Je ne parle pas ici de certains échantillons du c portrait scalp. sural • et d’intéressantes vitrines de dessins, parmi lesquels on remarquait des œuvres de Manet, Renoir, Rops, Rouault, Modi. gliani, Cris et de dessinateurs allemands. HENRI CANONNE ront un ensemble de tableaux d’une qualité exceptionnelle. Des Bonnard ancienne manière, et recherchés à l’heure actuelle, laissent prévoir de hautes enchères, en parti-culier pour le Soir de Noël et pour la Femme au Canapé. Cross est représenté par des Nymphes d’excellente fac-ture pointilliste. Une petite Plage de Trouville par Boudin voisine avec quatre Derain, Nature morte, Paysages et Portrait. Quelques oeuvres de Raoul Dufy forment une véritable rétrospective qu’il est d’ailleurs assez rare de rencontrer sur la même cimaise ; puis un Lebourg et six Matisse, tous de très belle qualité. Signalons parti-culièrement d’Henri-Matisse, Le Concert, Viennent ensuite trois Claude Monet de la période