posent de l’amener à Naples, et déjà le gouverneur promet 30.000 écus à qui l’enlèvera. Finalement, c’est toute une escorte que Duquesne doit commander pour protéger l’effigie royale qui finit par arriver à Toulon le 10r novembre. De là, elle reprend la mer jusqu’au Havre. On la transborde avec maintes difficultés sur un navire hollandais qui remonte la Seine, et elle débarque à Paris, au Pont-Royal, le 10 mars 1685. Le peuple afflue ; on s’écrase autour de cette statue dont on parle depuis tant d’années. Mais déjà on la rembarque pour l’amener au pont de Sèvres d’où elle est transportée à l’Orangerie de Versailles. C’est là que le roi la voit enfin. De cette confrontation, nous ne connaissons que ceci : La trouvant mal faite, il ordonna de la briser s, rapporte le mémorialiste. Le ministre, fort heureusement, apaisa le courroux royal et proposa que Girardon transformât la statue du roi en effigie de Marcus Curtius, ce héros de l’antiquité qui se précipita dans un cratère de volcan pour satis-faire aux augures romains. Girardon, toutefois, se montra plus discret qu’avec la Vénus d’Arles : il ne transforma qu’assez peu le groupe du Bernin, se contentant d’ajouter un casque, de couvrir le sol de flammes et de changer quelques détails. Louis XIV accepta ces modifications, à la condition qu’il n’aurait plus jamais sous les yeux ce monument indigne : on le transporta donc au bassin de Neptune ; mais l’exil n’était pas encore assez lointain, et on le relé-gua finalement derrière la pièce d’eau des Suisses parmi les ronces, sur un tertre presque inaccessible. En dépit des inscriptions obscènes qui le souillent, du socle qui se crevasse, de la mousse qui le ronge, des brous-sailles qui le cachent et des adjonctions de Girardon, ce monument garde la même grandeur épique qu’il devait avoir au premier jour. Il reste en tout cas l’unique sculpture importante de style baroque qui ait jamais été dressé dans un pays qui, aujourd’hui encore, persiste à considérer cet art comme indigne de lui, et qui, à tra-vers les siècles, ne cesse de lui réserver les plus iniques traitements. CHRONIQUES L’ART A PARIS L’exposition d’art nègre et d’art océanien, dont nous avons parlé, ne peut avoir aucune action directe sur les destinées de la peinture moderne. Dans son ensemble la sculpture africaine présente un intérêt purement rétro-spectif. Sans doute comprend-elle un certain nombre de pièces d’une haute valeur plastique, des pièces dont la place est au Musée du Louvre. Mais sa phase héroïque et révolutionnaire nous parait révolue. La phase qui suit est celle de la stabilisation. Le temps n’est plus où artistes et critiques opposaient l’art nègre à l’art gréco-romain. L’art antique retrouve son prestige, sa faveur. La boucle étant bouclée, on retourne à Athènes. Gare à l’académisme de la statuaire u sauvage Miro. Un peintre de qualité qui dispose de ressources harmoniques, lui permettant de donner libre cours à sa volonté d’expression instinctive. Grosso modo, les tableaux de Miro se divisent en deux catégories : 1° les tableaux constellés d’ornements, de formes disparates qui animent la surface ; 2° les tableaux composés par zones de couleurs pures et fondés sur les contrastes de tons. Nos préférences iront à ces derniers. Ce sont des toiles d’une riche polychromie, d’un caractère élémentaire et fruste, d’une puissante portée émotionnelle. L’oeuvre de Joan Miro se développe lentement, pro-gressivement. Si le peintre oublie ce goût du risque, de la mobilité qui étaient la base de ses premiers travaux, il porte son attention sur les problèmes spécifiques de la peinture. (Galerie Pierre.) Amédée Ozenfant s’écarte, de plus en plus, des données initiales du purisme, mystique géométrique des années d’après-guerre. Ses récentes natures-mortes prouvent qu’il déserte le domaine étroit d’une logique rationnelle 17 FIN ART DOC