Nous parlions un jour « théâtre » et quelqu’un disait « Seuls comptent la qualité de la pièce et la voix des acteurs. L’action devrait se développer dans une enceinte obscure ». J’estime au contraire qu’une représentation doit être soutenue par maintes visions, celles des décors, des costumes, des gestes des interprètes. Le décor, notamment est le vêtement naturel du drame, dont il souligne et intensifie le caractère. Il économise l’effort d’abstraction et prépare rapi-dement l’esprit des spectateurs à participer à l’action dont les étapes devant eux semblent s’improviser. Les réalisations des décors de théâtre que présente la Galerie de France (exposition organisée par les Chroniques du Jour) sont pour la plupart comman-dées par une préoccupation de synthèse. Il est un fait qui s’impose immédiatement à l’atten-tion : la majorité des auteurs des maquettes exposées sont des peintres. Certains recherchent dans ces études des éléments nouveaux de composition, des regroupements ingénieux des plans et des valeurs. D’autres portent à la scène sans se soucier de les transposer, des tableaux de leur habituelle manière picturale (ainsi Bonnard, Laprade, Marie Laurencin). Certains trouvent dans l’art du décor le terme de leur idéal (par exemple Léger, Laglenne, Per Krogh). La zone cernée par les rampes et les projecteurs est le monde où les masques s’animent périodiquement pour la durée de quelques actes ; chaque personnage, équivalent d’un caractère spécifique, est établi après un fort grossissement de son modèle humain. Le décor est tenu de se conformer à des principes sem-blables ; les paysages les intérieurs de théâtre, paraî-tront comme les « masques » de leurs correspondants naturels. Ce programme devrait séduire une géné-ration de peintres épris de l’expression de synthèse. Aux serviles maquettes réalistes, se sont substitués depuis les Ballets Russes, des décors qui condensent en schémas originaux,émouvants,l’essence même du motif. Signalons les intéressants décors et costumes de Bonnard, Jean Hugo, Chirico, Alix, Gontcharowa, Larionow, André Boll, Touchagues, Medgyès. Louons l’admirable décor de Picasso pour le Tricorne, celui de Rouault destiné au Fils Prodigue et surtout la composition de Georges Braque pour les Fâcheux, d’un effet mystérieux, quasi dramatique. Nous signalons ces trois artistes à l’attention des directeurs notamment à ceux du Théâtre Pigalle, scène perfec-tionnée en quête d’auteurs. Des dessins, aquarelles et sanguines de Renoir, sont exposés à la Galerie Jeanne Castel et à la Galerie 24 du ((Portique ». Notre distingué confrère M. Germain Bazin se propose de consacrer une étude (dans le pro-chain numéro de Formes) aux réalisations du vigoureau artiste qui posséda à un haut degré les deux visions de peintre et de sculpteur. Signalons le très bel album de reproductions en fac-similé des aquarelles, pastels et dessins de Renoir, que présente la Galerie « Le Portique ». La Galerie Mettler a réuni un bel ensemble de des-sins ; on y découvre une sélection d’oeuvres abouties et de notations rapides, significatives comme des signa-tures. Nous avons admiré les compositions mysté-rieuses de Seurat, brumes et brouillards au crayon noir ; les constructions clasique, précises et émou-vantes de Millet ; de Corot, de sensibles esquisses, préludes aux tableaux de chevalet ; de Delacroix, un impétueux griffonnage ; de Redon, un rêve ; de Rodin, des formes d’êtres à l’état aquarellé, etc. Vingt ans après, tel est le thème édifiant malicieux que développent les organisateurs de la « Folle Enchère » aux cimaises de la Galerie Bernheim Jeune. De vingt-sept peintres sont confrontées deux oeuvres, un tableau actuel et un tableau d’une période anté-rieure à 1914. Marcel ZAHAR. Le tableau de Seurat, que nous reproduisons, marque dans l’oeuvre de l’artiste un acheminement vers la forme absolue à laquelle le peintre de la Grande Jatte accède dans ses compositions et dans les paysages de la fin de sa vie. A l’époque où il peint la toile de la collection Mettler (toile que M. Fénéon date de 1882), sa technique conserve un caractère manuel, spontané. Sans doute Seurat connaît-il la méthode des touches oblongues qui animent la surface et que Delacroix emprunta à Constable. Sans doute évite-t-il le mélange de couleurs, afin de garder à chaque ton toute sa fleur. Mais sa facture linéaire et tonale demeure intuitive. D’où le coloris chaud, blond, imprégné d’une lumière irisée du paysage de la collection Mettler. D’où l’écriture nerveuse, asymétrique que nous décelons dans cette toile d’un éclat si pur et si discret I Quelques années plus tard, Georges Seurat formu-lera sa doctrine et peindra par petits points réguliers des tableaux qui sont des mécanismes, en mettant tout en oeuvre pour justifier son système chromatique. Il atteindra, à la faveur de ce style, un niveau de perfection qui n’a pas été dépassé depuis lors. Il nous sera cependant permis de préférer, à ses œuvres accomplies, ses libres esquisses et ses oeuvres de jeunesse. FIND ART DOC