de Jacob et du Portrait de Famille que l’on peut aller contempler à Cassel et à Braunschweig, mais que l’on n’avait jamais vus dans un aussi bon éclairage. Merveilleux est le chemin que parcourut Rem-brandt, de sa jeunesse au déclin de sa vie. Il serait à peu près inconcevable que le même peintre qui, à cinquante ans, a produit la Bénédiction de Jacob, et à soixante-deux le Tableau de Famille de Braun-schweig, ail conçu et réalisé dans son adolescence le Samson ou la Minerve. Qui donc eût pu prédire au jeune peintre le majestueux épanouissement de sa puissance? Et quelle place l’histoire de l’art lui eût-elle assignée, s’il avait dû mourir à trente ans? Plus clairement encore que dans les salles de peinture où les étapes sont seulement indiquées, le problème de l’évolution de Rembrandt se pose devant la série continue des eaux-fortes, qui se succèdent sans lacunes. Sans doute l’oeuvre du débu-tant comprend-elle certaines pages magistrales, comme le portrait de sa mère, et il y a quelque injustice à exalter le Rembrandt de la fin aux dépens du Rem-brandt de jeunesse. Mais voici, plus loin, les mer-veilleux paysages, voici la Pièce aux cent florins, qui jouit à bon droit depuis toujours de la plus haute renommée, et que l’on voit ici en deux épreuves infiniment précieuses. Voici les portraits de la maturité et les majestueuses créations, telles que l’Ecce homo en grand format, ou telles que les Trois Croix, dans leur puissant effet de noir et de blanc. On a beau croire connaître à fond les gravures de Rembrandt : quand on contemple toute la série, on ressent chaque fois une surprise fraîche. Et, pour terminer, les dessins. Si Rembrandt est un peintre unique, s’il a dans sa peinture reculé les limites de l’art, s’il est dans ses eaux-fortes le créa-teur d’une nouvelle technique dont il a su tirer des effets jusqu’alors inconnus, c’est cependant comme dessinateur qu’il est demeuré le plus près de nous. Ce serait une erreur de vouloir exclure tel ou tel dessin, ce serait une erreur plus grave encore de hasarder quelque critique que ce soit : c’est un choix extrêmement sévère, en effet, que l’on a fait dan; cette exposition : tout ce qui était faible ou douteux a été écarté. Il ne reste que le meilleur, il ne reste que les chefs-d’oeuvre d’un homme qui a été à sa manière le plus grand dessinateur de tous les temps, qui a conféré au trait une vie propre et à l’esquisse une force d’intense suggestion, (Traduit de l’allemand). LIEBERMANN COMME COLLECTIONNEUR PAR RUDOLF GROSSMANN Toutes les vicissitudes qui ont marqué l’histoire de l’art, Liebermann, qui a quatre-vingt-deux ans, les a connues mieux que quiconque. Mais maintenant il n’y participe plus, il les domine. C’est un fin compère, plein de sagesse et d’esprit, qui se dresse sur la scène du devenir artistique. Ce qui l’intéresse plus que la mode, c’est l’humain proprement dit. Le dessin qui suggère, omet, révèle, l’intéresse plus que la peinture. Il possède une collection de dessins de Rembrandt, de Daumier et de Menzel dont il est fier à bon droit. J’ai rarement vu plus riche et plus belle collection de Menzel. Dès la porte d’entrée, dès le palier, on en trouve déjà tout un ensemble. Les ateliers de Liebermann, à Wannsee et à Berlin, sont de simples salles de travail. Des ébauches de Lautner et de Manet sont accrochées au mur. Les appartements, d’où l’on a sur le Pariserplatz et l’Avenue des Tilleuls un coup d’oeil bien dégagé, sont aménagés avec discrétion, dans le vieux style berlinois. Pas la moindre trace de recherche dans la décoration. Les tableaux sont disposés en toute simplicité, comme à Paris, et s’adaptent sans tapage au cadre mondain de la pièce. Manet est représenté à la Collection Liebermann, par les Courses d’Auteuil, qui datent de la même époque que le Concert des Tuileries. A côté le beau portrait à l’aquarelle de Mme Manet. Plus loin le Vase de fleurs aux coquelicots de la Collection Paechter, et le Vase au lilas de la collection Bernstein. Ces deux natures mortes nous montrent Manet au faîte de son art et de sa virtuosité. A cette époque (vers 1882) le peintre était déjà malade. Plus loin, une étude pour la Femme Assise, tableau qui se trouve à Berlin dans la collection Arnold (vers 1880). L’Evasion de Rochefort est accrochée au-dessus de la cheminée : c’est un Manet de qualité inférieure, peint sans modèle, selon la manière de Delacroix. Puis le Portrait de George Moore, un Manet mer-17 FIND ART