de dons, comme une joie de mystifier, comme une sorte d orgueil, de fierté, d être favorisé par la nature. C’est, à mon avis, le sentiment qui donne à la réus-site ce quelque chose qui, sans la rendre contestable lui enlève néanmoins son côté éternel. Braque, lui, a les vrais dons, mais il n’en est pas fier. Comme tous les grands artistes, il vise plus à atteindre son but qu’à réussir une toile. La peinture semble être pour lui un moyen et non une fin. Il poinsuit une ascen-sion. Sa peinture est l’émanation de son âme. On sent en effet chez lui, et c’est peut-être la raison qui fait qu’il est un isolé, plus la manifestation puissante d’un tempérament que le désir de reproduire ce qu’il voit. On le sent uniquement soucieux, avec pourtant des petites concessions non pas au public mais à l’esprit d’aujourd’hui ou d’hier, de se libérer. Avant tout, Braque se montre. Il a, des artistes poussés par ce besoin, la tristesse et la sincérité. Il n’est pas soumis à l’objet. Une nature morte de Braque, à l’encontre d’une nature morte de Cézanne par exemple, est empreinte plus du mystère de l’âme de Braque que du mystère d’elle-même. Alors que Picasso est un continuateur de la grande pléiade de la fin du siècle dernier, Braque est peut-être le premier qui s’en écarte non par désir de faire autre chose, mais vrai-ment parce que son esprit est différent. Avec lui, un sentiment nouveau de la peinture est en train de naître, sentiment plus grave et plus austère. On lui reproche d’être cérébral, de ne pas se contenter de regarder et de sentir, mais de pen-ser. Ce reproche ne tient pas, selon moi. Ce que l’on prend pour de la « cérébralité », c’est la souffrance de l’artiste. Lorsqu’il apparaît un sen-timent nouveau, il est plus facile de l’appeler « céré-bralité » que de lui donner un nom. Il y a deux genres de révolutionnaires : ceux qui s’opposent à ce qui est et ceux qui, ignorant ce qui est, construisent une oeuvre qui, sans qu’ils le sachent même, est révolu-tionnaire. Braque me semble appartenir à ces der-niers. Il n’a ni le désir de surprendre ni celui de com-battre, ce en quoi il n’est justement pas cérébral, au sens péjoratif du mot. Avant tout, il est lui-même. Quand on sait quel labeur, quelle observation du monde et de soi cela nécessite, quand on sait à quel point il est difficile de reconnaître ce qui nous est propre de ce qui ne l’est pas c’est, il me semble, le plus grand éloge que l’on puisse faire d’un artiste. APPELS DE L’ITALIE EUGÈNE BERMANN PAR WALDEMAR GEORGE L’art moderne évolue entre ces deux pôles que sont la peinture d’expression populaire et la peinture mentale, la peinture « chose de l’esprit », comme disait Léonard. D’une part se manifestent des ima-giers qui ignorent entièrement les secrets du langage artistique, qui parlent une langue directe, qui en-gendrent un style prolétarien, au sein d’une société antiprolétarienne, mais désormais incapable de défendre sa conscience, ses intérêts de classe. D’autre part, quelques jeunes hommes s’efforcent de restaurer par des oeuvres à la fois précises et chi-mériques, par des oeuvres qui portent l’empreinte d’une vieille culture, le prestige ébranlé de l’Occi-dent latin. La peinture d’expression populaire n’est pas un fait nouveau dans l’histoire de l’art. Ce qui est neuf, c’est la place importante accordée de nos jours au folklore, c’est l’engouement profond et passionné pour les produits anciens ou actuels du génie popu-laire, c’est la résonance immédiate qu’ils éveillent chez nos contemporains. D’Ors découvre dans la philanthropie et dans l’amour des humbles, dans le goût des bergeries ou des thèmes empruntés à la vie de la plèbe, qui distinguent la société «baroque» férue de Jean-Jacques Rousseau, les signes avant-coureurs de la Révolution. Une société dont l’élite est minée par les idées d’égalité sociale, qui croit au salut par la vie naturelle, qui nie les « bienfaits de la culture », est vouée, corps et âme, à la Révolution. Avant d’écla-ter dans les rues de Paris, la grande Révolution avait conquis les coeurs. Le triomphe de la peinture populaire, du douanier