invite à la plus impartiale justice, et dans le paroxysme se crée une exceptionnelle mesure. Mort, seule action grave en somme, et devant laquelle témoins ou acteurs assemblent le stock de leurs instincts. Mais un homme finit rarement comme une symphonie, sur des accords répétés et majeurs, au rythme de la respiration. Les P. C. D. F. gardent tous, durable prime de démobilisation, la vision abracadabrante d’hommes figés en attitude de course, d’angoisse… ou de défé-cation. Cependant la vieillesse heureuse offre à quel-ques humains l’apparente logique d’un adagio bien composé, avec en sourdine le choeur des familiers en lamentations, dans la sensation d’un doux crépuscule pour l’athée, d’une aube pour le croyant. C’est le don de l’Orient qui répugne au fini, au limité, de laisser croire au passage insensible d’un état actif complet à l’état subterrestre, où le meilleur de l’humain sera sauvé, soit pour les joies morales des paradis hébraïque et chrétien, soit pour les voluptés accordées par Bouddha et Allah. Si les attitudes de l’homme en proie aux aventures de l’au-delà de la vie ont sollicité fréquemment les artisans religieux, l’expression de la mort physique et de la déchéance consécutive sont si exceptionnelles que l’on tente de justifier ceux qui l’expriment par la folie ou tout au moins par un peu de bizarrerie. On accorde les bénéfices de la sagesse et de la clairvoyance seulement à ceux qui sont les spécia-listes de la Mort, à certains ordres religieux par exem-ple :  » Les éléments ne peuvent être engendrés que par leur propre semence « , déclarait l’admirable sorcier Arnould de Villeneuve. Il faut concéder que l’image de la Mort est à ceux-là familière. Nous en possédons maints exemples en ces décorations de style rococo du xvine siècle, qui font songer à quelques boudoirs pour la Dame à la Faux. Il faut encore, pour se représenter la réalité de la mort, une certaine connaissance de la vie que l’on acquiert tard dans l’existence. Aussi le courage s’observe-t-il plus communément chez les êtres jeunes, Pleins de vie, chez ceux qui ne croient guère à l’absolu de la mort, par une subsistance de l’instinct infantile. On voit ainsi des enfants qui, blessés, suspendent leurs craintes et l’expression de leur douleur, larmes ou cris, dès que le Dieu maternel apporte le secours d’un visage sans inquiétude. Celui qui s’exprime ici a suffisamment considéré la guerre active, observée au niveau de la tranchée, comme un phénomène de pur intérêt psychologique, pour avoir l’assurance que l’idée de la mort chez des êtres jeunes se présentait sous l’aspect de ses consé-quences abstraites, tandis que chez des adultes la fin physique, totale, se révélait implacablement : « Considère, écrit Saint Bernard, comment tu mourras, parmi les longs soupirs et les rudes hoquets, parmi toutes les douleurs et toutes les terreurs… Ton corps s’en ira en pâleur et en horreur, en sanie et en féti-dité, vers et nourriture de vers.  » La Mort. Elle donne la mesure : on aime à en mourir. Il n’est pas jusqu’aux pitoyables héros tatoués de la littérature de prison qui ne se lient d’amour pour la vie. Elle permet les ultimes rapports, la proportion définitive des serments et des actes, elle valorise l’amour et limite la responsabilité des créateurs. De là son caractère sacré. La poésie médiévale, passée de la cellule monacale à la tradition populaire, est si puissante en ses effets que l’on verra l’artiste doué du plus rustique bon sens, Breughel, convoquer les images multiformes de la Mort autour des régals d’amoureux enivrés. Les sifflements de la faux et les cliquetis des squelettes en marche, couvrent le chant des luths, et la vague d’assaut des moissonneurs funèbres submerge à l’infini la plaine rouge, les invocations infernales, en orgie macabre des morts resurgis des tombeaux. Au Musée National, à Florence, est une oeuvre de style baroque, en trompe-l’oeil, qui ose représenter la putréfaction des corps. C’est plastiquement comme l’écho du terrible dépeçage du moine Odon de Cluny : « La beauté du corps est tout entière dans la peau. En effet, si les hommes voyaient ce qui est sous la peau, doués comme les lynx de Boétie d’intérieure pénétration visuelle, la vue seule des femmes leur serait nauséabonde: cette féminine grâce n’est que flegme, sang, humeur et fiel. Considérez ce qui se cache dans les narines, dans la gorge, dans le ventre : saletés partout. Et nous qui répugnons à toucher même de l’extrémité des doigts des flegmes ou du fumier, comment souhai-terions-nous embrasser un sac d’excréments.  » Ces représentations de l’horrible n’ont pas pour objet d’éveiller le dégoût ou la répulsion, ou encore cette curiosité malsaine, attentive et intellectuelle, qui fait le succès contemporain d’une certaine litté-rature de crimes et de dépeçages. Leur fin est utile pour ceux qui désirent acquérir leur salut. C’est le but noble de la Danse macabre, le branle de la Danse des Morts qui s’enroule et festonne sur les murs des charniers et des temples, des armoiries de la déesse funèbre sur les murs du Cloître Saint-Maclou, à Rouen, et sur les arches du pont de Bâle. Valdès Léal n’est touchant que lorsqu’il tire une morale des grandeurs et misères de l’homme. On sait qu’il existe des chaires publiques de nécromancie à Séville et sans doute à Tolède. La Mort est pour certains une tentation merveil-leuse. Ainsi les moines essaiyaient-ils le lit de la plus fidèle des maîtresses et. Les funèbres amants de la Chapelle des Capucins ont flirté avec la mort et c’est presque la nier que d’en faire l’objet d’un art décoratif. Ils prétendirent l’apprivoiser. Mais elle se venge en laissant croître r7 FIND ART DOC