FIND ART, DOC L’EXPOSITION D’ART FRANÇAIS A L’ALBERTINA DE VIENNE PAR HANS TIETZE Le Cabinet des Dessins et des Estampes de Vienne, réorganisé depuis la chute de l’Empire Autrichien, vient d’agrandir ses salles d’exposition. Le Cabinet contient maintenant une partie des anciens appar-tements de l’archiduc Frédéric et le long corridor qui jadis fut le réfectoire des Augustins. C’est dans ces lieux que l’Albertina a inauguré sa première grande exposition, consacrée à l’Art Français. Une sélection d’environ 15o dessins et de 120 estampes offre un tableau complet des arts graphiques en France depuis le xve siècle jusqu’à la fin du >axe siè-cle, montrant une continuité qu’aucune autre Ecole n’a atteinte. Cependant le but principal de l’expo-sition est moins historique qu’esthétique. Le plus ancien dessin exposé est un portrait d’homme à la pointe d’argent, — autrefois attribué à Israël van Meckenem, nom commun à un certain genre d’ceuvres primitives, — que l’on donne main-tenant à l’École de Provence vers 146o. Un autre portrait d’homme peint sur toile en détrempe — on ne peut presque plus parler d’un dessin — a gardé son ancienne attribution : Jean Clouet; cette attri-bution est-elle stable ? Les arts graphiques de la méme époque sont représentés par deux bois : Saint Roch pèlerin et évêque (fin du xve siècle) et l’Empe-reur Charles V à cheval, qui sont des pièces uniques puisqu’elles portent des inscriptions françaises; la provenance française de ces œuvres est tout à fait probable. C’est seulement avec le célèbre graveur Jean Duvet (né vers 1485 et mort après 1561) que les arts graphiques perdent leur caractère d’anonymat; nous admirons de son oeuvre dont l’Albertina possède un important ensemble, les estampes dans lesquelles Duvet s’est déjà affranchi des influences italiennes et allemandes. Nous choisissons comme exemple la curieuse Mort de Judas dont la composition est une exception dans l’iconographie des temps modernes; c’est bien pour cette raison que les auteurs l’ont pres-que toujours méconnue. Un petit diable crève le corps du traître, pour s’emparer de l’âme qui ne peut sortir par la bouche que Notre Seigneur a sanctifiée par son baiser. Avec sa disproportion voulue et son exécution inégale, l’estampe est capricieuse comme une improvisation du xvme siècle. Le caractère de ce siècle si français est également annoncé par les estampes maniérées de Jacques Bellange qui tra-vaillait à la cour de Charles III de Lorraine au début du xvne siècle; il y a là des figures qui font penser à Watteau. Un autre fameux Lormin fut Jacques Callot, qui conquit une réputation interna-tionale, tandis que Bellange reste une gloire de Nancy. Parmi les portraitistes qui marquent la transition du xvie au xvne siècle, Dumonstier est le mieux repré-senté dans les cartons de l’Albertina; son portrait d’homme âgé et obèse, au crayon noir discrètement rehaussé de sanguine, dépasse presque les facultés de cet habile routinier par le fin rendu d’un état d’âme indéterminé, où se fondent sourire, attention et ressentiment. Dumonstier et son rival François Clouet traduisent dans un style français une manière internationale. Mais Poussin et Claude Lorrain créent un style vraiment français qui s’impose bien au delà des frontières. Les paysages de ces deux artistes forment la section la plus harmonieuse de l’exposition; chacune de leurs feuilles se détache avec intensité. De motifs simples et naturels, elles apparaissent sans âge, remplies d’un sens héroïque ou pieux, évo-quant une harmonie musicale. Comme les paysages de Poussin et de Claude, les dessins lavés de bistre de Fragonard forment une des gloires de l’Albertina. Ils ont été acquis, pour la plupart, par le fondateur de la collection, le duc Albert, gendre de Marie-Thérèse, dont le goût personnel se porta de préférence vers les mor-ceaux très finis; une sanguine récemment acquise —l’Arc de Constantine — complète Fragonard intime qui nous passionne davantage aujourd’hui. Ce léger reproche d’une trop grande perfection (reproche que nous autres, héritiers de l’impressionisme, formulons naturellement) s’applique aussi aux autres dessins célèbres de ce temps. Les Boucher, les Aubert, les Hubert Robert sont trop beaux !!! il semble qu’ils aient été destinés à servir de modèles aux graveurs et ce sentiment qu’ils provoquent leur ôte largeur et liberté. Seulement dans deux dessins de Chardin, combinant crayon, sanguine et pastel : Femme lisant et Femme écrivant, la puissance de la personnalité artistique triomphe malgré la perfection de l’exécution. Quant aux gravures du xvme siècle, on est un peu effaré par les prix énormes qu’elles ont réalisés dans des ventes récentes même lorsqu il s’agissait d’exem-plaires bien moins brillants que ceux dont les agents du duc Albert ont fait acquisition dans les ateliers des artistes. Signalons la perfection de l’estampe en couleur par Bonnet d’après le Portrait de Mme Baudoin, par Boucher. L’impression qui se dégage de ces