L’ART A PARIS Les Vrais Indépendants. — Le Salon des Vrais Indé-pendants réunissait lors de sa fondation, sinon toutes les forces agissantes de la peinture française, du . moins un certain nombre d’artistes bien décidés à se soustraire au contrôle dégradant des Salons officieux. Ce n’est plus aujourd’hui qu’un sque-lette, un fantôme de Salon. Tous les jeunes l’ont quitté, pour fonder un groupement concurrent : Les Surindépendants… Il ne reste donc ici que des anec-dotiers, des amateurs médiocres, des transfuges de l’École des Beaux-Arts. Seuls, les peintres,  » popu-laires  » rehaussent le faible éclat de ce Salon vieux-jeune. Ces peintres se nomment Soudry, Lecart, Pailoché, Constanty. Ce sont des inconnus. Peut-être, certains d’entre eux seront-ils bientôt célèbres. De valeur inégale, ils apportent une vision, un amour, une conscience artisane, une fraîcheur de sentiments qu’ignorent les artistes-peintres, quellei que soient leur nuance, leur valeur personnelle et leur style. Les Surindépendants. — Appel de la  » Giovinezza « . Un Salon où la jeunesse est reine, un champ d’expé-riences, un laboratoire. Toutes les tendances vivantes s’affrontent ici. Sans doute regrettera-t-on l’absence de Picasso qui incarne l’esprit jeune et celles de Chirico, de Miro, de Masson, d’Alberto Savinio, de Bérard, de Bermann. Ceux qui détiennent les leviers de commande de la peinture moderne, Braque, Georges Rouault, Matisse, devraient se retremper à cette Source de Jouvence. Ceci dit, convenons que le Salon des Surindépendants n’a pas précisément un aspect homogène. Goor, un peintre pseudo-classique, un candidat à l’École des Beaux-Arts y voisine avec le doux Beauchant, mythographe qui évoque dans une langue prestigieuse, bien que simple, les pages les plus illustres de l’histoire ancienne. Peintre subtil, Beauchant est un grand imagier. Olesievitch nous soumet des schémas, des coupes géologiques, qui montrent les couches successives d’un terrain. Son héroïque effort de pros-pection a donné les meilleurs résultats. La facture d’Olesievitch est grave. Sa matière est granuleuse, opaque. On aimera ses tons sombres et bien harmo-nisés, son dessin précis mais frémissant. Léon-Zak montre des têtes isolées dans l’espace, des têtes qui émergent de l’ombre grise. Sa vision, sa technique décèlent des préoccupations dignes d’un peintre humaniste. Les oeuvres de Borès et de Vines ne mar-quent aucun progrès. Les deux peintres espagnols restent tributaires de la  » surimpression « , procédé 32 qui consiste à cumuler et à superposer deux images dissemblables. Leur volonté d’expression paraît claire. Il ne viendrait à l’idée de personne d’en nier l’intérêt. Mais leurs moyens sont confus et médiocres. Lurçat expose des sites imaginaire et construits comme des décors scéniques. Charchoune secoue le joug de l’École cubiste qui pesait sur lui. Il s’exprime à pré-sent par des lignes souples, légères, ondoyantes, des lignes qui rendent parfaitement sa pensée. Survage donne libre cours aux facultés du rêve. Ses formes irréalistes sont, avant tout, des images poétiques, transposées dans le plan de la peinture. Viollier côtoie la magie. Cet artiste traite pourtant les thèmes qui ressortissent au domaine de la fantasmagorie, dans un style  » bourgeois « . Son oeuvre est une révélation, une illumination. Carlsund dispose d’une technique impeccable. Il représente aux Surindépendants la peinture cons-tructive. Hossiasson et Fasini s’orientent vers l’art métaphysique. Van Doesburg et Miss Jellet symbo-lisent l’académisme cubiste et post-cubiste. Ce sont des résidus, des épaves d’un mouvement qui a évolué. Les œuvres de Peinedo marquent un progrès certain. Ce que X. Y. Z. n’ont pu réaliser, Me di San Lazzaro et Mile Berr de Turigue l’ont fait. La pre-mière exposition Matisse que Paris ait pu voir depuis un demi lustre a eu lieu au Portique. Une petite exposition. A peine quelques tableaux, une série de dessins et de lithographies. Mais parmi les toiles exposées figuraient plusieurs œuvres inconnues qui venaient de quitter l’atelier de l’artiste. Matisse développe ses recherches chromatiques. Ses oeuvres récentes, du moins certaines d’entre elles, sont  » hautes en couleurs  » et traitées par tons vifs. Il semble cependant que Matisse, qui est le premier coloriste de ce temps, atténue les contrastes et s’efforce de lier les teintes entre elles. Si ses tableaux actuels conservent toute leur fraîcheur, ils présentent moins d’analogies, que les oeuvres plus anciennes avec les mosaïques et les tapis de Perse. L’art de Matisse ac-quiert ces qualités propres à la grande peinture de chevalet qui lui faisaient défaut. C’est une affirmation, unique à notre époque, d’éloquence, de lyrisme pittoresque (pittoresque est employé ici dans le sens pictural) purs de tout alliage externe. Il faut féliciter la Galerie du Portique de son initiative. W. G. FIND ART DOC