M. Auguste Pellerin, le propriétaire de la plus importante collection de Cézanne qui soit au monde, vient de mourir. On savait que tout le magnifique ensemble qu’il avait réuni serait légué à l’Etat, mais en réalité, trois toiles de Cézanne seulement, trois natures mortes, fort belles d’ailleurs, entreront au Louvre. C’est toujours ça, mais que deviendra le reste de la collection Pellerin ? La verrons-nous passer quelque jour à la salle des Ventes comme la non moins fausse Collection Gangnat ? Il se pourrait. Autre question : que va devenir la Galerie Georges Petit ? On avait annoncé que, acquise par MM. Bernheim Jeune et Bignou, elle allait être une des citadelles de l’art moderne après avoir été si longtemps celle du pompiérisme. Mais il me semble bien que celui-ci continue à régner seul rue de Sèze. Jusqu’à quand ? M. Camille Mauclair ne se contente pas de dénigrer notre art contemporain dans les journaux de Paris et de la province, il se rend encore à l’étranger pour se livrer à une ardente propagande contre la peinture française : après sa conférence, si mal accueillie, à Bruxelles il y a quelques mois, il vient de donner au Tevere de Rome une interview si nettement diffamatoire pour certains critiques français, qu’elle pourrait bien avoir des suites judiciaires. On avait parlé il y a quelques années de la fondation d’un Musée Bourdelle. Cette proposition rencontra si peu de succès dans les milieux artistiques que les amis du grand sculpteur crurent devoir mettre une sourdine à leur enthousiasme. La mort de Bourdelle semble avoir donné une nouvelle vigueur à leur projet: on reparle du Musée Bourdelle. Cependant la mort n’a pas donné à l’auteur du monument Mickiewicz le génie qui lui faisait défaut de son vivant… M. Ambroise Vollard écrit ses mémoires, — mais que ceux qui ont pu craindre des révélations sensa-tionnelles se rassurent: l’ami de Cézanne et de Renoir a surtout accumulé dans ce nouveau volume qui paraîtra simultanément en France et en Amérique, des souvenirs d’enfance. Il se peut toutefois que M. Vollard modifie quelque peu son nouvel ouvrage, car il en a fait il y a quelques semaines une lecture à ses éditeurs, et il lui a semblé qu’à ses histoires de la Réunion et de Montpellier, ceux-ci eussent préféré quelques anecdotes croustillantes sur la peinture contemporaine. M. Vollard est si gentil qu’il va certainement s’efforcer de satisfaire au désir de ses éditeurs. Autre écrivain distingué: Marc Chagall dont Ma vie traduite par Mme Bella Chagall et M. André Salmon va paraître dans la même collection où sera édité le livre de son ami Ambroise Vollard. Troisième écrivain distingué: Maurice de Vlaminck qui, à ses nombreux ouvrages: Tout pour ça, Anses de mannequins, D’un lit dans l’autre, Histoires et Pames de mon époque, Tournant dangereux, va ajouter un nouveau titre: Poliment qui sera, croyons-nous dédié à M. Lucien Descaves de l’Académie Goncourt. On sait que notre sous-secrétaire d’Etat aux Beaux-Arts est un de ces hommes politiques dont la devise est toujours: os surtout pas d’histoires « . Une de ses expressions favorites est: »» je m’en lave les mains « . C’est pourquoi sans doute, on l’a surnommé Poncet-Pilate. Sur les 6.000 toiles que le Jury du Salon d’autom-ne a eu à examiner cette année, 50o environ ont été reçues. On ne se plaindrait pas de cette sévérité exces-sive si les bons tableaux avaient été acceptés et les mauvais refusés. Hélas, quand on tonnait les auteurs des uns et des autres, il semble bien que ce soit le contraire. Pour donner une idée des opérations, qui se passent dans les caves du Grand Palais, nous pourrions citer le nom d’un peintre qui, membre du jury cette année, assista à une des séances durant deux heures et se dispensa de venir les quatre autres jours, — et il n’était pas le seul. On ne s’étonne donc pas qu’après les Indépendants, les vrais Indépendants et les Indépendants français, une nouvelle société, les Surindépendants ait, choisi comme objectif de lutter contre les jurys. On sait que Maurice Utrillo, pour fuir les tentations montmartroises, s’est retiré dans l’Ain, au château de Saint Bernard. Mais les tentations sont venues le poursuivre jusque dans sa retraite. On raconte, en effet, que les chauffeurs chargés de lui faire faire en auto sa promenade quotidienne n’ont pu résister au désir de le conduire dans quelque bistro campa-gnard pour lui faire absorber une ou deux chopines de Beaujolais et lui faire brosser ensuite rapidement quelque esquisse aussitôt expédiée à Paris, et vendue au prix fort. Suzanne Valadon et André Utter ont fort heureusement eu vent de ce manège et sont éner-giquement intervenus. 31