nos cathédrales vont devenir toujours plus hautes, toujours plus légères, toujours plus lumineuses. Ainsi la croisée d’ogives apporte au difficile problème de la voûte une solution parfaite, définitive. Dès les premières années du xne siècle, les croisées d’ogives apparaissent dans les églises de I’lle-de-France. En 114.0 s’élève le plus ancien des grands monuments gothiques, construits suivant le principe de la croisée d’ogives, l’église de Saint-Denis. Aussitôt s’ouvre l’ère des cathédrales : de t 540 aux premières années du xme siècle s’élèvent successivement Sens, Noyon, Senlis, Laon, Notre-Dame de Paris, Chartres. C’est une merveilleuse activité et chaque œuvre nouvelle marque un progrès. L’Allemagne était alors en plein âge roman ; à peine osait-elle élever çà et là quelques voûtes d’arêtes. Presque jusqu’à la fin du siècle elle ignora la révolu-tion qui s’était accomplie chez nous; mais bientôt elle fut atteinte, elle aussi par la grande vague gothique.  »  » L’Allemagne avait voulu nous faire croire au génie de l’architecte et du tailleur de pierres allemands. Elle nous le montrait, ce poétique compagnon, s’en allant, le bâton à la main, à travers la Franconie et la Bavière. Il allait de la loge de Wurtzbourg à la loge de Ratisbonne. Il marchait en contemplant le ciel. Il s’arrêtait dans la forêt pour boire à la source, écouter la cloche, prier aux chapelles de Notre-Dame, admirer les fleurs. Il amassait dans son coeur un trésor. C’est de cette poésie que l’église allemande était faite. Elle était mystérieuse _comme la forêt; ses vitraux avaient la couleur de la source et la couleur du ciel; ses chapiteaux portaient une couronne faite avec les fleurs du chemin. Tout cela n’était que mensonge. L’artiste allemand n’a jamais su créer, il n’a su que copier. Il n’a inventé aucune des formes, aucun des ornements de son église. Le poête, le contemplateur, le créateur, ce n’est pas l’Allemand, c’est le Français c’est lui qui a su faire passer dans ses oeuvres la religieuse beauté du monde. Quand on entend l’Allemagne faire valoir  » ses droits  » sur l’art gothique, on croit entendre le Numide, qui a bâti un temple et un portique dans sa ville d’Afrique, se vanter d’avoir créé l’art grec. L’artiste allemand, c’est l’honnête maître-chanteur de Nuremberg : il connaît toutes les règles de l’art, la grammaire, la syntaxe, la versification; il ne lui manque qu’une petite chose : le génie.  » EMILE MALE. La revue FORMES me pose une question sur les origines de l’art gothique, question qu’on n’a essayé de résoudre jusqu’ici que du point de vue de l’art méditerranéen. Mais, si de nos jours, l’on veut donner à cette ques-tion une réponse équitable, on ne doit plus négliger le monde nordique dans sa complexité topographique, chronologique et sociale. Il est exact que la matière première des cathédrales gothiques : la pierre est, tout comme dans l’art grec et hindou, leur facteur essentiel, depuis que le Nord européen a été conta-miné par l’art officiel des régions méridionales, c’est-à-dire depuis l’époque de l’art roman. Mais la véritable transsubstantiation qui marque l’apogée du génie médiéval, c’est-à-dire l’art gothique, semble commencer avec les constructions en bois ou, plus particulièrement, avec les construc-tions navales et avec l’avènement de la figure humaine, dont les traits fortement soulignés, semblent témoi-gner du goût professé par le Nord pour la ligne mobile et pour la volonté de croissance qu’exprime le bois, volonté qui détermine les hommes à achever libre-ment leurs édifices en suivant l’exemple des végétaux. Les Normands et les Frisons ont franchi les premiers les étapes d’un nouveau développement. Les villes et la bourgeoisie, par leur organisation professionnelle, se montraient disposées à accueillir le nouveau mouvement qui tirait son origine du site, du sol et du sang des côtes de la mer du Nord. Sur cette influence, se greffe l’hérédité iranienne de l’Islam espagnol qui par le canal de la Chevalerie et de l’art des troubadours, a exercé son ascendant sur le monde occidental et en particulier, sur l’art plastique, par le truchement des paysages peints en miniature et des intérieurs éclairés par les vitraux polychromés qui colorent la lumière blanche. Tout ce qui précède pourrait être prouvé aujour-d’hui à l’aide de faits précis. J. STRZYGOWSKL s) L’éclosion et le développement de l’art gothique sont des faits historiques qui représentent les carac-tères psychologiques d’une Société et d’une époque déterminées et non les tendances profondes d’une race. Le procédé essentiel de l’architecture gothique, la croisée d’ogives paraît avoir été imaginée dans des provinces très différentes, en Lombardie, en Angle-terre, en Normandie, dans la France méridionale, dans l’Espagne arabe où les coupoles nervées sont 13 FIN AR DOC