Il est dix heures du soir, un bon repas pris sur l’une des tours dues au génie malheureux de M. Plumet nous a mis dans cet était d’euphorie où l’on accomplit en se jouant les pires imprudences. Sans doute si ce n’était la première fois que nous venions aux Attractions, aurions-nous réfléchi un peu avant de nous engager dans cette course la seule vue des wagonnets rouges et verts, lancés à de terrifiantes vitesses dans les déclivités successives nous eût donné à réfléchir, mus nous avions eu à peine le temps de songer à ces deux infortunés dont le wagon dérailla le jour même où le scenic fut ouvert au public, que nos billets étaient pris et que nous montions le cœur allègre vers notre destin. Nous n’étions pas les seuls et d’autres amateurs attendaient l’arrivée des rames pour s’y précipiter. Nous f imes de même. Je me pla-çai heureusement à côté d’une char-mante jeune femme qui ne cessa de s’agripper à moi et l’étreinte de cette aimable personne m’empêcha de pren-dre au tragique la situation dans laquelle je me trouvai quand, quelques secondes plus tard, notre wagonnet se trouva dévalant à cent dix à l’heure une pente effroyable. Chose curieuse, personne ne criait, la terreur était trop forte. Sauf quelques âmes particulière-ment bien trempées, nous avions l’esto-mac terriblement serré, la respiration nous manquait, agrippés à la barre qui nous empêchait d’être projetés en avant dans les descentes, en arrière dans les montées, nous sentions la rame de wagonnets filer à une vitesse terrifiante, puis ralentir pendant une fraction de seconde et repar-tir plus vite encore, sans que nos nerfs aient eu le temps de réagir. Enfin brisés. abasourdis nous arrivâmes au ternie, de la course.. Puis notre wagon nous ramena tranquillement, et en ligne droite cette fois, à notre point de départ. Nous étions à peine débarqués que d’autres insensés prenaient nos places… Je dois dire d’ailleurs que cet étrange supplice n’avait duré que quelques instants le temps d’aller à cent à l’heure du Pont Alexandre à celui des Invalides. Autour de nous les lumières flamboyaient, scintillaient, leurs mille feux descendaient en cascades du Pont Alexandre, montaient des fontaines lumineuses, se reflétaient dans la Seine. Pour jouir de ce spectacle nous nous arrêtâmes sur la plateforme où l’on a installé Le Carrousel de la Vie Pari-sienne. Paul Poiret a eu l’idée de moder-niser le manège classique en remplaçant ho. Wule SUR Lu MANEGE les accessoires tels que chevaux, vaches, cochons, autos, par des personnages typiques de la vie parisienne la midi-nette, l’homme-sandwich, le vieux monsieur, le marchand de tapis etc., etc., et de les placer sur une sorte de trottoir roulant. Les clients prennent place sur des sièges ingé-nieusement disposés. L’idée était excellente, la réalisa-tion l’est moins ; le désir de faire mo-derne et original a amené l’auteur à établir des formes souvent peu gracieuses et ce manège, qui aurait pu être charmant, devient ainsi désagréablement s artistique ». On éprouve pourtant un vif plaisir à voir le pittoresque mouvement de l’en-semble, les jolies jambes des clientes et à entendre l’orgue moduler des airs qui ne sont, hélas ni le Calife de Bagdad, ni l’ouverture de Poêle et Paysan. Mais nous voici en bas Entre les charpentes de fer etsous le tablier où roule le Scenic-Railway sont disposées de petites baraques, voici un tir, un diseur de bonne aventure et une autre portant ce titre Puits de la Vérité… Que ne ferait-on pas pour contempler cette déesse que tant degens cher-chent, en désirant ne la point trouver? Montons ces quelques marches et nous pourrons nous pencher sur le puits d’où elle doit surgir. Un trou noir mais qui s’éclaire bientôt, et brus-LE entonne HINDOU Photo Art VIvara LA CASCADE