lumineux en soi, et c’est une  » remarque  » auprès du grand tableau. Mais, sur la rive droite, deux autres fontaines, celles-là rectangulaires, composent des paysages d’eau, avec fusées et pièces, sans qu’il y ait intervention de couleur. Du moins à ce jour où j’écris, car il faut tenir compte de l’avenir en une Exposition qui ne s’est point fixée du premier coup dans une perfection arrêtée et complète, mais s’installe encore, s’installera tout le temps… ce qui est la vie, après tout ! Une autre fontaine lumineuse, d’un tout autre genre, terrestre si l’on ose ainsi dire, en vasque, se dresse au fond de l’Esplanade des Invalides. Elle a autrement d’originalité. C’est l’obélisque aux cent mille aiguilles d’eau comme des lances de diamants. Et n’est-ce point une extraordinaire fontaine sans eau, glacée et rougeoyante, qu’on admire le soir dans le pavillon de la métallurgie ? Quant aux illuminations, elles procèdent de deux prin-cipes l’éclairage général et l’illumination proprement dite. L’éclairage tend surtout à la lumière diffuse et épandue sans source lumineuse apparente. Il y en a d’étonnants effets obtenus par des foyers dissimulés à ras de terre, dans les corniches, au haut de tourelles et minarets. Les deux grandes portes, celle de la Concorde, celle entre Petit et Grand-Palais, qui sont contestables le jour, prennent la nuit, grâce à la disposition de leur éclairage, une allure toute nouvelle et fort curieuse. Les hautes cheminées de lumière jettent une sorte d’appel sur le ciel de Paris, avec zone apaisante de demi-obscurité sur la terre… et c’est la réalisation ingénieuse et grandiose d’une formule poétique heureuse. Et toute la ferronnerie un peu funéraire en style  » obus  » de l’autre porte se polit, reluit et s’argente à ses propres lumières issues de chaque angle, comme si elle était à gonds lumineux. Ne cherchez guère sur l’Esplanade, vouée surtout aux illu-minations dessinant les monuments, des effets de ce genre de lumière, sinon aux deux originaux reposoirs de fleurs selon l’art nègre. Là, du moins, il y a de stupéfiantes lumières vertes et mauves stérilisant d’aspect les plantes les plus naturelles et banales. . Mais cherchez cet éclairage insinuant, séducteur et inter-loquant, si doux aux yeux et si caressant à la pensée, plutôt sur le Cours-la-Reine, autour des pavillons étrangers qui savent si bien mettre la perspective et l’air autour d’eux, et encore plus la nuit que le jour, alors qu’ils sont pressés et entassés. Cherchez-le non moins au mas provençal, aux jardins de la Ville de Paris… Quant aux illuminations, elles gardent une immobilité splendide, mais un peu trop arrêtée aux dessins des pavillons. Elles sont des lignes d’un plan. Il leur manque le mouvement des enseignes lumineuses, le feu changeant des rayons infernaux violacés. Elles sont la formidable armée des lampes à lumière ordinaire, avec une discipline parfaitement observée : la perfection de l’uniformité. Seuls, les créneaux rouges du long mur du parc d’attrac-tions, et certaines façades soulignées de lampes rouges, mettent un peu de variété dans l’ensemble qui est bien trop à l’instar électrique d’un soleil, notre seigneur sans nuage. Allons-nous regretter les rampes de gaz bleuissant sous la rafale ? Les soirées de l’Exposition pourraient être du super, music-hall si elles étaient moins radieuses, d’un éclat continu, si elles jouaient avec les ombres, à l’imitation de Notre Dame la lune… Oui, mais là aussi il faut réserver l’avenir. On m’assure que des métamorphoses sont prévues. J’ai dit le fil noir persistant de la Seine. Un soir on l’a rendu lumineux par un cortège nautique. Idée heureuse, d’autant qu’on n’avait pas revu de grande fête vénitienne sur la .Seine depuis l’Exposition de rqoo. C’est pourquoi sans doute les motifs mêmes de ce cortège, très soigné en son exécution; demeurèrent d’une formule assez conventionnelle. C’est un art perdu à Paris que celui de la fête vénitienne. La Seine est aussi abandonnée que le Palais-Royal, à la considérer sous cet aspect, en dépit des efforts restreints de la jeune république de Ille Saint-Louis. . Il fallait applaudir à ce cortège nombreux et varié, pour lui-même et pour qu’il en inspire d’autres. Il y avait, parmi les unités civiles de ce cortège — les bateaux militaires qui y prirent part firent surtout grand tapage de combat naval avec flammes de Bengale pour prise de cinéma — une sorte de music-hall flottant avec danseuses rythmiques. Mais la Lote Fuller, à laquelle il faut toujours faire appel pour ces choses, n’avait-elle point le projet, qu’on voudrait voir réalisé, d’établir sur un radeau ses danses de flammes ? Et il y eut des bêtes et des fleurs comme posées à même le fleuve et filant selon le courant, avec carcasse des bateaux et barques invisibles, qui étaient d’une conception fort judicieuse. Il y a d’ailleurs tout un cortège nautique constamment à l’escale, — pourquoi y demeure-t-il, pourquoi rie ferait-il pas cavalcade nautique chaque soir ? — celui des péniches restaurants-dancings. Parmi ses éléments, quelques-uns ont une silhouette illuminée assez brillante et originale, qui vaut d’être regardée avec quelque attention. Un autre soir, ce fut la kermesse belge. Car il y eut un beau carnaval d’été, assez inattendu, grâce à une invasion dominicale de sociétés musicales qui passèrent la frontière pour venir passer une journée de fête à l’Expo-sition, costumées comme dans leurs grands jours au pays. Et elles ne la quittèrent qu’après une dernière parade en fanfare aux illuminations. Ces sociétés de gaîté mutuelle et qui le proclament sur leurs bannières de gais lurons et de joyeux compagnons démontrèrent par leur exemple comment on peut s’amuser corporativement sans que le spectateur le plus maussade puisse crier à la chienlit. Le cortège comprenait cependant les costumes les plus hétéroclites, mais dont on sentait la fantaisie traditionnelle, la raison profonde et lointaine d’hérédité, la mode de terroir. Ces hommes et ces femmes ne les avaient point revêtus en 37