à mettre en valeur cette tendance vers un modernisme raisonné, pratique et de bon aloi. CEuvre de l’architecte Delaval qui à Marseille restitua — véritable prodige ! —le temple d’Angkor, il a été édifié sous la direction de l’ar-chitecte Blanche, et ses principaux morceaux — charpentes, portes, colonnes, balustres, frises, velum, motifs décoratifs — ont été exécutés en Indochine par des artisans annamites ét des élèves des écoles professionnelles. Un large atrium, entouré d’alvéoles, bordé de colonnes robustes et ouvragées, accueille le visiteur. A droite le Tonkin expose une salle à manger et un fumoir, à gauche l’Annam présente un salon d’attente d’une maison man-darinale s. Les deux pièces d’habitation tonkinoise, création de M. Marcel Bernanose, délégué du Tonkin, sont dans une note discrète, intime. Leurs confrères d’Annam sont leurs dignes émules. Invités à participer à un concours en vue de la manifestation de 1925, tous s’intéressèrent au programme proposé. Ce fut pour l’administration une heureuse surprise de voir qu’elle n’avait pas en vain essayé d’éveiller la curiosité de ces artisans dont les mains reproduisaient toujours, sans que l’outil déviât d’une ligne, les modèles consacrés. Avec son plafond en voussure et son parquet en marqueterie, avec ses portes en bronze damasquiné, avec ses lambris qui en-cadrent les toiles lumineuses de Geo Michel, avec ses divers meubles, le salon annamite est réellement un chef-d’œuvre de composition et d’exécution. L’ensemble et les détails, à l’exécution desquels M. Albert Durier, délégué de l’Annam, a présidé avec un soin attentif, répondent exactement à la règle formulée accord des besoins d’une société indigène évoluée avec ce qui peut être conservé de l’ameublement et du décor traditionnels. Tout a cette clarté, cette sobriété, ce goût qui sont la marque d’un peuple de grande et ancienne civilisation. Mais que de nouveautés ! Plus de ces colonnes qui encombrent les demeures des hauts fonctionnaires ; d’où agrandissement du salon ; on l’embrasse dès l’entrée dans son entier ; on y circule à l’aise. Le parquet de bois de rose et d’amarante remplace le vulgaire carrelage des demeures mandarinales. Bahut, table, divan, fauteuils, vitrines conservent leur cachet national, mais leur forme dénote un souci de confort et de commodité ; les sièges n’imposent plus une attitude raidie, on peut y prendre une pose familière… Si le vieux pays khmer n’a pas de mobilier, il est en revanche extraordinairement riche en motifs de décoration ; on n’a pour les découvrir qu’à examiner le détail des bas-reliefs, des soubassements des murailles sculptées de tous les monuments. Ces éléments multiples et variés sont utili-sables, mais encore faut-il un cadre où l’on puisse ration-134 Photo Piron SALLE A MANGER TONICINO nellement les ordonner, les combiner. Le service des arts cambodgiens, dirigé par M. Groslier, a résolu le problème, Un mobilier a été créé, dont la structure répond aux exi-gences du jour et dont la décoration est purement archaïque. L’exposition du Cambodge organisée par M. Herbst, sur les indications de M. Groslier, offre en ce sens un grand inté-rêt. Elle groupe quelques meubles tout modernes, puisqu’il ne saurait être question d’un mobilier cambodgien, mais dans l’incrustation et dans la marqueterie l’on retrouve les motifs khmers. Le tissage est représenté par les meilleurs pièces sorties des ateliers familiaux ; elles forment une gamme de tons d’une harmonie vive, chaude, vibrante ; à les regarder de près, on apprécie la délicatesse de leurs nuances, on juge de la fantaisie des tisseuses dans les com-binaisons des dessins et des couleurs. Des objets choisis sont des exemples d’application, d’adaptation des motifs ornementaux classiques, ils font connaître la souplesse du ciseau de l’orfèvre, la précision, l’adresse de tous les artisans qui travaillent l’or, l’écaille, l’ivoire. Les collections laotiennes sont l’expression d’un art plus humble et qui a conservé la fraîcheur d’expression des pre-miers âges. Elles comprennent mille objets d’usage journalier: poignards, sabres, coupes, boîtes, coffrets, bagues, épingles, bracelets, boucles d’oreilles, gongs, plateaux, masques, instruments de musique, boucliers… Tout à un caractère naïf et charmant. Une rosace de ces étoffes multicolores de soie et de coton que jeunes filles et jeunes femmes tissent après les soins du ménage couvre toute une surface murale. L’exposition cochinchinoise présente des céramiques, des ensembles de mobiliers, des surtouts de table, des appareils d’éclairage, des pièces de bronze à cire perdue… Les œuvres des artisans de cette Cochinchine où la France a abordé pour la première fois la presqu’île indochinoise, voici près de 70 ans, témoignent à la fois d’un sens aigu de l’observa-tion des formes vivantes et d’une extraordinaire dextérité d’exécution. Dans une autre salle un groupement d’ouvriers d’art tonkinois a réuni un choix des meilleures productions des arts du fil, du bois, du métal, de la laque, de nombreux spécimens du travail de l’écaille, de l’ivoire. On croyait que l’art asiatique était un art figé, un art épuisé avec la société qui l’avait fait naître. On croyait que l’esthétique des pays annamites et cambodgiens était pra-tiquement négligeable parce qu’étrangère à l’esprit de notre race… Deux opinions qui ne résistent pas à l’enseignement qui se dégage de la manifestation indochinoise du Cours Albert Ier. De tous les pays d’Extrême-Orient, l’Indochine française est le seul où l’an tente de faire correctement du nouveau avec des formes et des modèles anciens. Albert MATOON. e0127E OCTOGONALE DE LA rumeran Photo Piron