lointain des fibules romaines —, les « Khalkals e à double charnière et à grande largeur, couvrant une partie du poignet ou de la cheville, les voici doucement appropriés à nos élégances modernes, après avoir fait l’orgueil de l’Egypte et de la Nubie. Entre les mains de nos orfèvres, la parure autrefois inso-lente se civilise lentement : boucles d’oreilles, bracelets de bras et de pieds, bandeaux de front cessent d’étre une somp-tueuse torture. Tout en conservant la splendeur héréditaire, les voici plus séduisants sous l’ennoblissement spirituel que leur con-fère la grâce française. Je m’en voudrais de terminer cette étude sans mentionner ]’oeuvre des frères Omar et Mohammed Racim, miniatu-ristes, dignes représentants d’un art illustre. Dégagé des influences de la Perse et de l’Inde, Mohammed Racim affirme déjà une rare personnalité. Il a donné, à maintes reprises, des témoignages d’une imagination à la fois délicate et puissante appuyée sur une solide technique. Il ne lui reste plus qu’à entreprendre le monument durable que l’on est en droit d’attendre de lui et qu’il ne manquera pas d’édifier pour notre plus grande joie. Je vous ai parlé des tapis et des céramiques, des bijoux et des enluminures, je voudrais vous dire quelques mots encore sur l’ameublement. Devant les meubles, fauteuils, armoires, chaises, sortis des ateliers de Famin et de l’ébéniste Alfonsi, devant les vitrines de Balester, de Marsali, de Messiéra, on retrouve les formes robustes et rustiques des bahuts berbères. C’est à la fois aaif et trapu, enfantât et barbare. La puissance byzantine 130 TENTURE ne TOMBOUCTOU (FRAGMENTS, OUVRES OB LAGHOU AT) UN COIN DU rejoint mystérieusement la puissance médiévale. Et la géométrie musulmane enchante cette menuiserie pesante de son éternelle poésie… L’armoire — fer et nacre — d’Alfonsi est un chef-d’œuvre. On ne saurait trop admirer l’entaille de ses motifs, judicieuse-ment étudiés pour refléter la lumière. Et que dire enfin du dossier de ces fauteuils et de ces chaises où nous retrouvons, évoqués d’un ciseau puissant, les motifs des vieilles portes et des vieux plafonds barba-resques ? Ici, encore, quelle heureuse adaptation à la vie occidentale ! Ainsi se révèle partout la main de la France. Sous son inspiration, l’Algérie créatrice s’est réveillée d’un long sommeil. Et cette race qui, « dans son habillement et dans son habitation ne commet jamais une faute contre l’har-monie s, cette race soudain a renoué, sous notre heureuse et féconde influence, avec tout un passé de grandeur artis-tique. D’une part, nous avons maintenu les grandes traditions classiques. D’autre part, nous les avons orientées vers des recherches nouvelles. A l’ceuvre accomplie par l’adminis-tration algérienne, des entreprises privées ont ajouté bril-lamment leurs efforts : certains de ces établissements affirment aujourd’hui une telle maîtrise que leur prestige rayonne bien au delà de nos frontières. Le jour n’est pas éloigné sans doute où il sera possible d’assimiler les écoles professionnelles d’art indigène à nos manufactures nationales. Ainsi, une magnifique leçon se dégage, noble et récon-fortante, de la réalisation accomplie par l’Algérie à l’Exposi-tion des Arts décoratifs. Edmond Coi«.