VI,1 ENS.11,1.1 d’art et de fantaisie qui régnait sur le tout et qui créait sous les yeux émerveillés des enfants un paradis accessible. Le village du jouet, il faut l’avouer, demeure très au-dessous de cette manifestation de 1916. Cette présente as-semblée manque d’éclat. Cependant on doit reconnaître que le président de la clame du jouet, M. Henry D’Allemagne, n’a pas craint de faciliter aux artistes une collaboration qui s’imposait ; ce dont on ne saurait trop lui savoir gré, car en cette exposition qui s’est organisée sous le vocable de l’art, les artistes n’ont été que trop souvent sacrifiés aux intérêts de puissantes firmes commerciales qui ont fait tout le nécessaire pour que, selon leurs propres termes, l’exposition ne soit pas envahie par les artistes s. Au Village du Jouet, artistes et industriels se coudoient et ce voisinage est une excellente leçon car il démontre combien l’intervention de l’artiste est nécessaire pour créer cette qualité essentielle des choses : le charme. Où l’artiste n’est pas passé, la séduction n’existe pas ; les choses sont mortes, le souffle divin de la vie ne les fait pas frémir. On se sent saisi par le spleen devant ces jouets en fer-blanc, en carton-pâte, en celluloïd qui semblent destinés aggraver la médiocrité du sort des enfants déshérités. Est-ce jouer que de s’amuser avec ces pauvres choses autour des-quelles ne peut croître aucune image riante ? Sans doute ces jouets réalisent-ils ces conditions essentielles au commerce d’un prix de revient avàntageux et d’un débit facile, car la foule, hélas ! est difficilement éducable et va, quoi qu’on fasse, vers le banal et le médiocre. Mais on se demande ce qu’ils viennent faire dans une manifestation d’Art décoratif et le meilleur parti que l’on puisse prendre est de fermer les yeux en passant devant les maisonnettes qui n’a-britent que des articles de bazar ou de baraques deJour de l’An. On se réservera d’ouvrir les yeux devant la Fosse aux Ours de Benjamin Hunier qui occupe l’un des pavillons du centre. Sans doute les intentions de l’artiste sont-elles, là encore, trop industriellement réalisées et la foule des poupées qui contemple les quadrupèdes facétieux, est-elle• assez grise, mais à travers ces interprètes insuffisants la verve de l’ar-tiste transparaît ; il a campé avec son humour habituel, la Bretonne éberluée, la nounou plantureuse, le rond-de-cuir, le vieux beau, le collégien. Et puis les ours, personnages principaux de la scène, forcent la sympathie. La mère ours qui fouette son rejeton, l’ours gourmand qui guette le sucre, celui qui, paresseux, s’aplatit avec béatitude, celui qui, du haut de son arbre, jette à la ronde un coup d’oeil gogue-nard, sont d’excellentes bêtes animées à la manière de Benjamin Rabier, des bêtes qui font la joie des enfants et la tranquillité des parents. Il y a aussi, dans le même ordre d’idées, une patinoire, une plage, mais l’intérêt glisse sur ces groupes auxquels manque ce brin de fantaisie qui est essentiellement nécessaire à la vie personnelle du jouet. Le Jouet moderne, exécuté par les mutilés, sous la direction de MM. Mathinessent, André Hellé et Carlègle est dans la tradition de ceux qui figurèrent au Pavillon de Marsan… ils ont le tort de n’avoir rien ajouté à cette tradition, et ne rien ajouter, c’est s’appauvrir. A leur Château do ma poupée, j’ai préféré le très bourgeois Intérieur lorrain présenté par des fabricants de Lunéville. Il a y dans cette salle à manger rustique on ne sait quelle honnêteté, quelle probité qui est réconfortante. Des silhouettes en bois peint, assez préten-tieuses, y sont superflues, mais cet Intérieur est tout relui-sant de vertus familiales. Le souci des détails y est souvent délicieux les cuivres brillants, les faïences fleuries, le cruci-fix sur la cheminée, le chat qui se chauffe, tout concourt à z05