et que l’on nommait autrefois un cronstadt… Mais tout ce que l’on pourra essayer restera vain. Nous assistons d une révo-lution du costume masculin. Ily en a. Il y en eut une d la fin du XVIII. siècle, peut-être l’un des prodromes de la Révo-lution politique, lorsque les Français, jusque-là les modèles de toute l’Europe, abandonnèrent leur habit pour le frac d’Angleterre. En moins de trente ans, ce fut chose faite. Si bien qu’un homme de 1804, avec sa cravate et son col, sa petite redingote, ou ses deux pans de morue, ressemble Français d un Européen P de 1870 qu’à un rançais de 1789. Je disais que nous assistons, nous aussi, d une révolution du costume. Commencée avant la guerre, elle a reçu de la guerre son achèvement. Nous en dirons, chemin faisant, les motifs en même temps que les résultats. Son principal caractère est dans l’abandon sans merci de tous les vêtements d taille. Même de l’habit. Combien de fois par an mettez-vous un habit? Dix fois? En 1830, la grande cérémonie comportait encore un habit à la française, avec un petit bicorne à claque. ‘Hais ceux qui s’habillaient ainsi parurent peu à peu des originaux. Le frac poursuivit et traqua l’ancien habit, jusqu’à régner tout seul. Aujourd’hui le srnoquin —je dis: smoquin — rend la pareille au frac. Ce n’est une décadence que si vous le voulez bien. Ayez un smoquin parfait, mettez-le, n’allez jamais en veston au théâtre, ni dîner. LES COMPLETS Le smoquin est un veston. Il suit les mêmes modes, varie de longueur et de largeur en même temps que lui. Et le veston triomphe en cette Exposition comme il règne dans la rite. Je loue une telle fidélité. N’allez pas croire que le veston soit une découverte toute récente. Non plus, elle n’est pas si vieille. Votre père en a porté, et le père de votre père. Mais votre aïeul, non, ou c’est lui qui a commencé, vers le milieu du siècle dernier. Ce fut d’abord un vêtement pour le voyage et pour le matin, en tout cas un vêtement pour la jeunesse. La veste intérieure de l’ancien costume français devenue un gilet, l’abréviation de la redingote finit par donner le veston. Lorsqu’on imagina de tailler les trois pièces dans la même étoffe, on eut les premiers complets. On les appela d’abord des « tout-de-même s. C’est ce que nous portons du Ior jan-vier jusqu’à la Saint Sylvestre. Nous aimons là ce qui nous convient. Nous courons trop, nous descendons avec trop de hâte les escaliers du métro, nous y sommes trop pressés. Plus pourvus de biens, nous avons à conduire notre voi-ture. Le chapeau haut de forme en heurterait le plafond; les pans de la jaquette se prendraient dans la portière; 8e nous nous ferions l’effet de chiens savants. Il nous déplairait aussi de trancher sur la foule, par des moyens grossiers et apparents. Voyez les costumes du Grand Palais. Le tailleur le plus réservé, le plus hau-tain, le plus fermé, le plus coûteux, a donné tous ses meilleurs soins au complet, absolument comme le tailleur plus acces-sible et modeste. Le trés haut et puissant seigneur qui médite dans sa Rolls ou sa géante Renault, et le commis faisant risetleaux clientes des Galeries, sont tous deux revêtus d’un complet apparemment le même. Cela n’est pas mal. De toutes façons, Brummell et Baudelaire eussent aimé une époque du costume où l’élé-gance est idéalement réduite à la qualité pour ainsi dire imperceptible du tissu, et à l’excellence de la coupe, cet arcane fermé au vulgaire. Je nommerai en toutes lettres ceux que je peux louer. Nul ne s’avisera de penser que ma plume soit vendue. Il m’est donc possible d’introduire en un sujet d’ordinaire tout soumis à la publicité, à la réclame, la liberté dont la critique dispose à l’égard des écrivains et des peintres. Carette, qui a toujours mis sa gloire dans les vêtements à taille, a un très joli costume de cheval, au petit carreau bien net. La veste est à martingale et très pincée, la botte d’un joli marron d’Inde; mais le chapeau d’un brun trop rose. De Cumberland, un petit complet d rayure très fondue, entre le violet et le marron. De Voisin, un autre complet, couleur de pêche violacée, à grand car-reau. Dans ces étoffes brouillées, quel que soit leur mélange, un ton finit toujours par dominer; qui est gris certaines années, mais aujourd’hui il est brun ou violâtre. Par fatigue de la rayure, vous rencontrerez plus d’un de ces carreaux fondus et contrariés, en lames de parquet, ou d losanges encore plus bizarrement enchevêtrés. Barclay, un curieux costume de plein air, avec la culotte droite et large, le tout, casquette comprise, à rayure horizontale fondue, le verdâtre alternant avec le rougeâtre. On s’ef force donc d’innover par le dessin aussi bien que par la teinte. Il y a sur quelques-uns de ces tissus une influence-imprévue du cubisme (laquelle influence éclate en certains chandails). Harrison a même osé un costume qui rompe,avec la neutra-lité habituelle. Imaginez un veston et une culotte, cette large culotte dont il me Paraît absurde en France d’écrire le nom en anglais, un veston et une culotte de couleurs différentes bien qu’assorties. La culotte est d’un carreau léger sur un fond presque blanc; la veste est d’un beige un peu plus foncé, d carrelage de parquet presque invisible. Le tout, d’un moelleux à tomber en extase, et recou-vert d’un manteau brun clair à grands carreaux d’un jaune orangé. La che-mise est décorée d’un médaillon ovale, d zones noires mêlées d’orange, le plus grand axe de l’ellipse étant horizontal. Chapeau gris brun. Par manie de la perfection, il m’est arrivé d’être injuste pour les tailleurs français. Il faut, par exemple, qu’Ils Prennent garde encore à leurs manches. C’est trés bien d’avoir obtenu une manche où les plis verticaux qui se forment entre t’épaule et le coude, cuitent, G.L.P500 Ma. frira CAVALIER – TENUE DU MATIN MOD*LE DE CARET. autant qu’il est possible, les vilains plis horizontaux dans le haut de l’avant-bras, lorsque le bras se lève: il faudrait aussi ne pas exagérer l’étroitesse des poignets ni cette courbure, dans l’attente d’un coude qui n’est plié que par exception ; il faudrait enfin savoir qu’une manche ne veut pas grimacer dans toute sa face interne, sous prétexte de donner plus d’aisance aux mouvements. (Non, elle n’a pas besoin de ce défaut, ni d’aucun autre. Un défaut quel qu’il soit est tou-jours inutile, et vous ne vous plaindrez pas; je vous donne là un précepte tout à fait moral, contenu dans son alexandrin).