REMO.. DIS PIERRE LECRAP A côté de lui, Noulhac (Les Travaux et les Jours, d’Hésiode) Gruel (La Sandale ailée), Canape (Le Prime, de Machiavel, Les Blés mouvants, de Verhaeren), Cretté (Personnages de Comédie), Lavoué, (Le Procurateur de Judée, décor pompéien, en mosaïque), se piquent d’être modernes, tout en conser-vant la liaison avec le passé. C’est la voie sûre. On remarque, à la rétrospective de l’Art décoratif moderne, si intelligem-ment organisée au musée Galliéra par son actif conservateur, Henri Clouzot, des reliures qui furent violemment modernes vers 1890, et qui nous paraissent déplaisantes aujourd’hui. Ne quid ninas, rien de trop, est un adage antique qu’il faut souvent méditer, parce qu’il s’adapte, d’une façon toute particulière, à notre tempérament latin. D’autres relieurs préfèrent être délibérément de leur temps, comme Xieffer qui ne craint pas d’employer l’or ou les couleurs puissantes avec une sorte de frénésie ; mais Xieffer est un tempérament qu’on ne maîtrise pas. Il est naturellement audacieux et il a renouvelé, avec Engel, la – tradition romantique de la plaque gravée (Les Fleurs du Mal, La Cité des Eaux). Son imagination luxuriante lm fait trouver, au gré de l’heure, des décors excessifs ou délicats et, parmi ces derniers, j’ai noté ceux des Poèmes de Raim-baud et du Vieux par Chemins. I.egrain, qui jouit d’une gloire récente, symbolise bien notre époque par ses reliures. Il affectionne le décor libre, que ne limite pas le plat du volume, la ligne brisée, ou les cercles concentriques,’ mélanges d’influence japonaise et cubiste. Cela lui constitue une originalité certaine, qui a de la saveur. (Le Jardin des Supplices, La Prin-cesse lointaine, Oscar Wilde). Robert Bonifia aime à <■ mettre la façade sur la cour s, et il récidive avec les Fioretti. Nous trouvons encore de cet artiste; essentiellement coloriste, mais cette fois avec «façade sur nies; c'est-à-dire décor sur les plats extérieurs, Le Séducteur, navire aux voiles blanches et roses sur d. ondes d'argent; Soyez discret, feuillage rose et or, Florilège, bateau à la voile d'or, sur une mer et sous des nuages noirs, etc. Il y a toujours, dans ce cerveau bien organisé, un rapport exact et subtil entre le sujet de la reliure et l'esprit du livre. Enfin, Robert Bonfils ne manque pas d'invention, telle cette reliure pour Madame Bovary, dont l'intérieur montre d'un côté la voiture et de l'autre le cheval. Lewitsicy exécute des bordures mosaïques qui veulent être riches et semblent surtout lourdes. David est de la lignée des Canape et des Noulhac. Mais ce qui frappe le plus, dans cette section, c'est l'impo-sante majorité des femmes-relieurs ou relieuses. La reliure devient un apanage féminin. La femme y trouve l'applica-tion de dons qui s'exerçaient, il y a vingt ans, sur les cuirs pyrogravés et repoussés, des buvards, des liseuses, des portefeuilles, etc. MI?. Louise Germain est une des premières qui se soit fait un nom dans cet art, en dessinant ses motifs dans le maro- quin en points d'argent ou d'or (Cygne, de Tagore), procédé - dont use égalenient Mme Malo Renault, en y ajoutant fré-quemment des scènes brodées à l'aiguille, fort délicates (Salomé et La Chanson d'Arlequin). Mrê. de Félice ne manque ni de grâce, ni de finesse, ni même d'étrangeté. Sa reliure des Croix de Bois est des plus remarquables, dans sa trans-cription littérale et évocatrice. A citer aussi celle du Père Goriot. Mais parfois trop de fantaisie dans les lettres rend celles-ci malaisément lisibles. Il faut se méfier de la fantaisie typographique : on en abuse aujourd'hui, au grand dam de la lisibilité et du style. D'autres noms se pressent sous la plume : Mme. Nicole Propper, Jeanne Julien, Germaine Schrceder (Goba le 67