LES ARTS DE LA FEMME L »‘ Ouvrage de dames  » n’abonde pas aux Arts Déco-ratifs, mais les œuvres de femme y sont nombreuses et -de qualité. Seulement elles brisent le cadre, elles ne s’enferment plus dans les limites où naguère elles étaient parquées. La femme ne se contente plus de faire de jolis abat-jour, d’agréables coussins, de petites broderies patientes, elle s’atta-que aux œuvres larges et solides et quand on voit les ensem-bles mobiliers réalisés par Madame J.-B. Klotz, par Madame Chauchet-Guilleré, par Lucie Renaudot, on se trouve gêné devant les œuvres de détail qui sont perdues, éparpillées dans ces grands décors où tout est soumis à une pensée directrice, où les collaborateurs ne sont plus que des capitaines qui exécutent les ordres du général. Il faut chercher à travers la multitude des sections, des pavillons, des galeries et des boutiques ces manifestations personnelles du goût et de l’adresse féminins et l’on n’est point assuré, au milieu de ce papillotement de kaléi-doscope, de ne pas laisser échapper rceuvre séduisante qui révèle un tempérament ou qui affirme une maîtrise. Peut-être est-ce au Grand Palais que les Arts de la Femme trouvent le refuge le plus favorable. L’atmosphère assez discrète qui y règne leur est propice. Mais on est frappé de retrouver là tout d’abord les noms qui sont familiers à qui suit, depuis quelques années, cet effort féminin pour la rénovation des travaux de l’aiguille ou du pinceau. On ne peut circuler dans le Grand Palais sans être frappé par l’abondance et la beauté réelle des dentelles de Nice de Madame Chabert-Dupont. Non seulement elle expose dans un stand quelques-uns des morceaux de choix sortis de son atelier, mais à chaque instant, ici ou là, on aperçoit, dam tel ou tel stand un jeté de table, un tapis, une portière. Bien mieux, si l’on pénètre dans la section de la Céramique Fran-çaise, on voit aussitôt que les grandes baies qui prennent jour sur les verdures des Champs-Blysées sont voilées par de vastes stores qui sont, eux aussi, Pieuvre de Madame Chabert-Dupont. C’est là une consécration officielle des succès que ces intéressantes et robustes dentelles ont remporté dès leur apparition. Ces stores attestent la richesse d’inspiration de l’artiste; ils sont d’une variété charmante et ménagent les jeux de l’ombre et de la lainière selon les rythmes les plus capricieux et les plus imprévus. Ce sont, d’ailleurs, les artistes au tempérament puissant et prodigue qui triomphent dans cette exposition. Ce que l’on voit d’abord, ce sont les œuvres qui viennent d’elles-mêmes vers le visiteur, celles qui constamment jettent aux yeux un même nom, une même formule, celles qui imposent la person-nalité de leur créateur avec force, avec insistance, je dirais presque—sans qu’il y ait rien de péjoratif dans le terme —avec indiscrétion. De même que l’abondance des dentelles de Nice force l’attention des plus distraits, de même le nom de Madame Marguerite Pangon, cent fois répété par ses triomphants batiks, affirme une fois de plus l’autorité de l’artiste qui a développé en France ce somptueux procédé d’impressions. Chauds, ensoleillés, éblouissants, ces batiks ‘rayonnent de tous côtés. Isolé dans une vitrine centrale, un châle magnifique fait chatoyer ses arcs-en-ciel et ses volutes incan-descentes. Ailleurs des rideaux, des coussins, des portières indiquent quelle part le batik peut prendre dans les déco-rations d’ameublement, plus loin, d’autres batiks, de dimen-sions plus modestes, prouvent que, réduits aux proportions de l’écharpe, ils gardent encore leurs chatoiements fas-tueux ou délicats. Dans la classe du vêtement, ou se heurte encore à des batiks de Madame Pangon; sur le pont Alexandre la boutique de Mme Pangon arrête le flâneur hésitant et le séduit par la grâce d’une robe aérienne, par la fluidité des voiles aux tons de fleurs, par un abat-jour amusant, par des coussins fleuris comme des parterres. 55