PANORAMA DE I,’EXPOSITION autrichien, presque sans s’en apercevoir. Un chemin les conduit, pareil à une allée de jardin. A droite et à gauche les objets d’art s’offrent comme des fleurs précieuses. Nous avons voulu que nulle contrainte, nulle fatigue n’alourdisse le pas dans nos longues galeries aux murs diaphanes, formés de vitrines gainées d’un léger châssis de bois peint, plafonnées d’un cristal dépoli. rc Nous, Viennois, craignons toujours d’insister. Nous ne voulons pas enfermer le public dans une cage, le clouer au sol par une stupéfaction de mauvais aloi. Regardez si cela vous plaît, ne vous attardez pas trop, laissez-vous vivre. L’air est bleu et les femmes sont belles. « Etes-vous sorti du pavillon ? Vous en doutez. Vous voilà pour un instant mêlé au public du Cours-la-Reine, sous les arbres, entouré de promeneurs. C’est que le mur s’est interrompu. Comme il fallait passer d’un corps de bâti-ment dans un autre et que le corridor eût été triste à suivre, notre architecte a fait tomber la muraille, n’en conservant que des témoins qui forment jambes de portique. » Que répondriez-vous à cela ? A cette politesse raffinée ? A cette discrétion hautaine ? Vous iriez prendre un café glacé servi dans la serre par une cariatide aux cheveux dorés. Ce que je fis. Le pavillon britannique, lui, n’a point fait preuve de la même réserve. Il provoque l’étonnement et précipite les hypothèses. Pourquoi ce plâtre bariolé, pourquoi ce clocher de verre, pourquoi ce navire perché comme un coq de girouette ? Est-ce là tout ce que nous apporte la vieille Albion ? Une fantaisie d’opio-mane ou de colonial retraité ? j’ai posé ces questions successives avec plus de courtoisie au secrétaire général de la section britannique. Il m’a regardé de ses deux yeux clairs. Il ne comprenait pis ce point d’interrogation. «Comme notre pavillon national devait être placé au bord de la Seine, nous lui avons donné la forme stylisée d’un navire pour exalter chez vos compatriotes l’idée de notre am G. L. Manuel puissance navale. De plus, nos conceptions décoratives s’inspirent très nettement du goût que nous avons tou-jours conservé pour les armoiries et les sciences héral-diques. « Notre architecte s’est plié en outre aux règlements de l’Exposition. On lui avait demandé « quelque chose de moderne et d’original s. Ceci est dit avec une bonhomie simple, qui désarme. Les Anglais n’ont point oublié l’Exposition universelle et l’esprit qui la guida. Ils ne sont point tourmentés comme nous par un souci profond, désintéressé, de projeter vers l’avenir une oeuvre durable, fardeau passé d’épaule à épaule, lourd de traditions, enrichi d’apports nouveaux. Il faut donc nous contenter d’accueillir leur participation à l’objet commun avec un sourire de bonne humeur, comme ces belles cartes postales aux tons vils qu’ils nous envoient au moment de Christmas… .*. Vous sortez du pavillon britannique, vous êtes à deux pas du pavillon italien. Votre sourire amusé se fige immédiatement. L’Italie a fait un rude effort. Effort d’argent, effort de volonté. Mais pourquoi vous êtes-vous enfermés dans une formule aussi rigide ? Ce haut cube de maçonnerie est-il vraiment ‘l’expression de votre art moderne ? Sont-ce là toutes vos innovations ? La vie actuelle, riche de possibilités, l’ère de l’avion, de l’auto, du téléphone, du cinéma, n’ont-elles pas encore, chez vous, retourné quelque peu le champ des idées reçues ? « Pourquoi ces deux colonnes ?Pour-quoi ces chapiteaux, ce soubassement, ces corniches, ces barreaux aux fenê-tres, cette lourde porte, ces deux sta-tues allégoriques ? Pourquoi ? Et l’architecte italien Vous n’avez que ces deux mots à la bouche : L’art moderne. Et si nous n’en avons pas encore chez nous, d’art moderne ! Si rien ne s’est suffisamment affirmé encore, que nous jugions digne d’être exposé! La belle affaire! Sommes-PAVIUMN DU DANVMAR1C 15