ALFRED BEURDELEY Il en a été certainement un des principaux soutiens. Tous les graveurs ou les lithographes de notre temps, quel que soit leur rang, ont pris place dans ses cartons. Et, dans les ventes publiques, il se plaisait à faire maintenir ou élever les prix des épreuves qui, à ses yeux, méritaient un sacrifice. On sait ce que valent aujourd’hui les belles épreuves de Meryon ! Et Zorn ! C’est Zorn, assurément, parmi les vivants, qui a atteint les plus hauts prix pour ses estampes. Eh bien ! Zorn sait ce qu’il doit à ce vigilant admirateur et ami qui, après avoir travaillé à ce que son oeuvre atteignît un prix exceptionnel, eut aussitôt ce geste si généreux d’offrir toute cette collection, qui n’est plus dans les moyens de nos budgets d’État, à la Bibliothèque nationale. Un autre maître, envers qui il a eu une faiblesse particulière, c’est Forain. S’est-il trompé, cette fois encore, en recueillant de ce maitre, qui s’est élevé et grandi dans une voie si émue et si austère, ses dessins et ses sobres et expressives eaux-fortes ? Et avec quel désintéressement, avec quelle largeur d’esprit, Beurdeley laissait puiser dans ses collections de dessins ou ses cartons d’estampes pour toutes les manifestations d’art français, soit à Paris, soit en province, soit même à l’étranger. Dans une belle expositiOn d’art français, qui fut organisée à Petrograd en tg lx, c’est son musée personnel qui avait à lui seul fourni le plus fort appoint. En 1917, lorsqu’on ouvrit une exposition d’art français à Genève, les salles de dessins étaient, je crois bien, entièrement meublées par les collections Beurdeley. Le nom de Beurdeley revient à tout instant dans les catalogues de nos expositions universelles. Vous le voyez, tout entier, cet amateur de style exceptionnel, dans le beau portrait qu’a tracé de lui son ami Zorn. Il est assis dans son fauteuil, de face, une loupe dans la main droite, au milieu de l’accumulation de ses cartons de gravures. Le front haut et déjà un peu dégarni, la bouche sérieuse, l’oeil grave, il a je ne sais quoi d’attentif, de profond, de lentement pénétrant dans le regard qui marque sur ses traits sévères et tranquilles une vie intérieure intense. C’est un esprit réfléchi, recueilli volontiers sur lui-même. Ce n’est pas une nature d’emballements