ALFRED BEURDELEY Et avec quel oeil pétillant de malignité, il se plaisait à vous déconcerter par une de ces trouvailles imprévues ! Certes, nous n’avons plus à revenir sur Daumier, sur Constantin Guys, ni sur Cals, ni sur Hervier. Ce sont des réhabilités d’hier ou d’avant hier et le premier a pris sa place en tête de l’École. Mais on connaît moins Jeanron qui fut un précurseur et un protecteur de Millet, ni Saint-Marcel, dont les animaux peuvent être placés à côté de ceux de Delacroix, ni Lessorre, ni Joyau, charmant aquarelliste, ni Constantin, ni Dauzats, ni tant d’autres. Appré-ciait-on bien Meryon lorsqu’il acquit ce pastel, tout-à-fait capital, de la Pêche à la baleine? Et qui connaissait, qui connaît peut-être encore, après Beurdeley, Chabrillac, Chasselat, Pierre Cottin, de Courville, Darez, Decaisne, Fortuné Delarue, Dubouloz, Dubuisson, Laffitte, Leroy, François Francia, de Calais, Geniole, Garbet, et combien d’autres? Bellier de la Chavignerie lui-même, les a-t-il tous connus et, du reste, seulement par leur nom C’est là le mérite particulier d’Alfred Beurdeley, c’est même, à mon sentiment, ce qui donne un prix inestimable à sa collection. Les oeuvres signées de noms illustres, il est toujours aisé de les avoir, ce n’est qu’une question de surenchère. Mais les autres, il a fallu les chercher, les appeler, les faire pour ainsi dire, naître au jour. Et c’est celles-ci que, complice de Beurdeley, je verrai partir avec le plus de regret de sa demeure hospitalière, — cet ensemble, jusqu’alors indissoluble, dont il m’avait fait l’honneur et l’amitié de me confier la publication, restée en projet, sous le titre suggestif qu’il avait choisi : De David à Forain. Beurdeley avait pu réunir ainsi environ 1.800 dessins, aquarelles ou pastels. C’est un vrai petit musée, je le répète. Il avait envahi toute la maison, vous possédait dès le vestibule et vous poursuivait tout le long de l’escalier. Mais qu’est-ce que ce chiffre à côté de celui de sa collection d’estampes? 28.000 pièces approximativement, vous dira notre ami Loys Delteil, qui en a fait l’inventaire et qui y a tant de fois puisé pour nos expositions des peintres-graveurs ou des peintres-lithographes. Et je dois bien encore, au nom de nos camarades de ces deux sociétés, porter à la mémoire d’Alfred Beurdeley, un hommage de regrets et de reconnaissance. Car on ne peut savoir ce que lui doit l’estampe originale.