d’AFFAIRES DANS SON BUREAU par Philippe Soupault En principe, et la plupart du temps en réalité, l’homme d’affaires est un être très occupé. Il lui arrive parfois de travailler dans son bureau, mais sollicité de toutes parts par (les Commissions, des Conseils d’administration, des rendez-vous avec d’autres hommes d’affaires ou avec des banquiers, nécessairement lorsqu’il est devant sa « table ile travail » il est toujours très pressé. Il ne souffre pas que ses subordonnés le fassent attendre. Il faut que tous plient devant lui, guettent ses ordres ou ses moindres gestes. Ceux qui travaillent sous ses ordres sont rompus à cette discipline et ils savent obéir, se taire, agir au doigt et à l’oeil. Nul ne résiste à cette volonté, nul ne songe à discuter les ordres de celui dont une des qualités maîtresses doit être de savoir commander. A cet homme qui domine les autres, il y a des minuscules puissances qui refusent de se laisser dominer. Ce sont les objets. Un homme d’affaires moderne sait, selon l’ex-pression à la mode, 0 rationaliser » ses ateliers, ses services, mais il ne se soucie que fort peu de ses propres aides. I,a pièce dans laquelle il travaille avec intensité, il n’a pas songé e l’adapter à sa précipitation. Tandis qu’il agit, l’homme d’affaires se cogne au tiroir, fait des quantités de gestes inutiles pour s’emparer du téléphone, pour saisir un dossier, ‘mur lire une lettre ou pour signer son courrier. ‘Foutes les mille petites contrariétés qu’il subit semblent n’avoir pas grande impor-tance. S’il pense de cette façon, l’homme d’affaires commet une grossière erreur. La résis-Li nec que lui opposent avec persévérance les objets l’irrite sans qu’il s’en rende compte et trouble son travail. Observons un *homme d’affaires dans son bureau. Il réunit ses ingénieurs ou ses collaborateurs immédiats, il téléphone, il reçoit, il dicte des lettres. Puis déjà son secré-taire lui rappelle un rendez-vous important. Il ne lui reste plus qu’un quart d’heure pour donner des instructions ou pour contrôler l’exécution de ses ordres. C’est à ce moment que la résistance des objets fait sentir sa force. Il perd à cause des gestes inutiles non seulement un temps précieux mais son calme. Il se met en colère parce que son stylo ne marelle pas, parce que la sonnerie du téléphone l’exaspère, parce qu’il entend trop de bruit dans les couloirs, parce qu’il ne trouve pas un dossier qu’il avait posé « là » tout à ‘leure… uni négliger ce qu’on nomme des détails, c’est oublier que plus qu’aucun tra-s ailleur, l’homme d’affaires a besoin de ses nerfs. Lorsque, dans le peu de temps qu’il possède pour réfléchir et pour se concentrer, il ne petit compter sur une exécution immé-diate de ses volontés, sur une réalisation rapide de ses idées. il est nécessairement voué à l’irritation. LM homme d’affaires doit toujours autant que cela lui est possible planer au-dessus dutravail qu’il impose et ne pas se perdre dans les détails. Il évite les petits efforts qui risquent Téparpiller ses efforts. Combien d’hommes d’affaires ont le temps de réfléchir à ces questions que la plupart d’entre eux considèrent comme des mesquineries? Combien aussi sont prématurément usés? Le grand principe pour l’homme d’action est de savoir durer. C’est toujours le fameux dernier quart d’heure qui donne la victoire, c’est-à-dire que c’est celui qui sait économiser ses forces, c’est-à-dire que c’est celui qui sait durer qui est le plus fort. Un grand industriel déclarait qu’il n’y a pas de petites économies. Il n’y a pas non plus de petits efforts. Il faut toujours savoir mesurer son temps, son calme et ses forces. Il faut aussi savoir organiser son travail personnel pour pouvoir vaincre. Un véritable homme d’affaires, digne de ce nom, est celui qui dans son bureau peut non seulement garder son calme et gagner du temps mais encore récupérer une énergie nouvelle. Le bureau d’un homme d’affaires doit être une pièce où son esprit peut se reposer malgré l’effort auquel il est soumis et où ses nerfs doivent se détendre. Voilà un problème nouveau auquel il faut réfléchir avant de résoudre l’organisation des différentes branches d’une activité, avant le groupement et le rendement du personnel, avant mille autres questions qui n’ont qu’une importance relative comparativement à celle (le la conservation et de l’accroissement de l’énergie d’un homme, d’un directeur.