ni pour les garnitures de machines, pas même pour les casseroles. Que faut-il pour être heureux ? Un peu d’or, disait une réclame d’avant-guerre. Que faut-il maintenant pour être heureux, c’est-à-dire pour vivre confortablement? Quelques métaux pratiques : du nickel, de l’aluminium, de l’acier. Le métal n’est ni dur, ni agressif. Il est ce que l’homme veut bien faire de lui. Il peut être tout souplesse et tout douceur. Je préfère le ressort au coussin de plumes et j’aime mieux caresser un tube nickelé qu’un mur de meulière. Le métal est propre et résistant : c’est un bon serviteur. Mais il est froid, dites-vous. Et le marbre, que vous avez tant aimé ? Nous ne parlerons pas de la Tour Eiffel. C’est trop facile. Tout a été dit. Tant pis pour ceux qui n’ont pas encore compris. Lyrisme des dentelles arachnéennes des ponts trans-bordeurs et des pylônes, architecture émouvante des lourdes masses babyloniennes des marteaux-pilons et des turbo-alternateurs, préciosité de la pièce détachée, bijou qu’exposent à leurs vitrines les concessionnaires de marques automobiles : multiplicité du métal. Alors, pourquoi pas des chaises, des fauteuils, des tables, des dessertes qui seront aussi des machines et des construc-tions belles, parce qu’étroitement liées par leurs formes à leurs fonctions. Notre vie du vingtième siècle, qui livre de rudes batailles, est armée de métal comme un chevalier du 22S Moyen-Age. Nous sommes entourés de métal. Nous vivons dans le métal. Le squelette de notre maison est en fer. Les boites dans lesquelles nous nous déplaçons sont en acier : coques de paquebots, caisses de wagons, carrosseries d’automobiles ou carlingues d’avions. Et notre cercueil, hélas ! à notre demande, sera en plomb ou en argent. Qu’on s’étonne donc encore de voir des gens refuser à la plupart des objets mobiliers toute possibilité de fabrication métallique. Faut-il rappeler à ces entêtés que leur sang lui•même contient du fer? A ce propos, que préférerez-vous qu’on dise de vous : il est en bois, ou : il a une santé de fer? Rendons grâce aux ingénieurs. Ils ont été les premiers à avouer le matériau métallique, à nous en révéler la saine beauté, intrinsèque, industrielle. Mais que d’erreurs, cependant, entre 1889 et 1919. Que de tâtonnements, que de luttes contre l’esthétisme qui renâclait, proposant toujours de nouveaux maquillages, de nouveaux traves-tissements, plutôt que d’admettre des valeurs jusqu’alors inconnues. Le métal se suffit à lui-même. 11 n’a pas besoin, pour être beau, d’être sculpté, ni gravé, ni peint, ni décoré d’aucune façon. En cela, il est sans doute la plus pure de toutes les matières, parce qu’il peut être la plus logique. Ses volumes rationnels, ses surfaces lisses, suffisent à satisfaire notre esprit et notre goût, nos yeux et notre toucher. La lumière transforme et embellit tout ce qu’elle atteint. Il n’y a que le métal qu’elle ne transfigure pas. Au contraire, seul le métal est capable de la centupler, de la magnifier. Ils s’affrontent et jouent ensemble comme des jumeaux sublimes. LOUIS CHERONNE T.