sa renommée mondiale, depuis Louis XIII et surtout Louis XIV jusqu’à nos jours. Le Tapis Français ou Savonnerie est et était exécuté à la « façon de Turquie », c’est-à-dire au point noué comme le tapis d’Orient. La technique n’a pas changé, en effet; tel vous trouvez le métier de haute lisse avec ses quelques acces-soires, toujours les mêmes, dans les planches de l’Ency-clopédie de d’Alembert en 1751, tel vous le retrouvez aujourd’hui à la Manufacture des Gobelins, après l’avoir peut-être vu dant tout l’Orient. Dans la deuxième partie du XIX’ siècle, et notam-ment dans le Nord, la grande industrie du tapis moquette (ou tapis tissé mécaniquement au métier Jacquard), avec ses puissants moyens d’imitation et de vulgarisation com-merciale, fit disparaître le tapis au point noué. Il dut chercher un dernier refuge dans les manufactures de l’Etat, à l’abri des exigences financières des entreprises privées, ou dans quelques rares maisons assez puissantes pour tenir à honneur de sauvegarder en partie un passé déjà long, sans négliger, d’ailleurs, et tout à côté, l’appui de l’article commercial. L’art moderne a repris à son tour, et pour son compte, cette vieille technique humaine du « point noué » pour l’adapter à notre mentalité et à notre vie, comme nos aïeux l’avaient fait pour leur part, et même en s’assimilant le résultat de leur pratique. Mais ce que nous voulions noter ici, après ce raccourci historique, c’est que, dans l’ancien « tapis de pié façon Turquie » ou « tapis d’Orient », tout comme nos anciens tapis français ou Savonnerie, notre tapis français « d’art moderne » est un tapis « au point noué ». Comment se fabrique le tapis au point noué, et quelle est sa technique? Nous avons déjà dit que celle-ci, très simple, n’avait pas varié dans ses principes depuis la plus haute antiquité. A défaut des planches de l’Encyclopédie, et pour ceux qui n’ont pas visité l’Orient, nos photogra-phies la feront aisément saisir. Nous avons parlé plus haut d’un « métier », mais faute de meilleur terme, car celui-ci évoque l’idée d’un travail mécanique; or, le travail est ici exécuté entièrement à la main et sans l’aide d’aucune machine, d’où l’impor-tance de l’habileté manuelle de l’artisan et de sa formation professionnelle, sinon artistique. Ce métier consiste essentiellement en deux montants verticaux qui supportent deux rouleaux horizontaux (voir nos photographies). Autour du rouleau supérieur est en. roulée la chaîne du tapis, dont le début est fixé au rouleau inférieur, autour duquel s’enroulera progressivement le tapis Métier pour tapis au point noué vu par Pavant. à mesure de son exécution. Tel est le métier dit « haute lisse », parce que situé dans un plan vertical. La chaîne est formée de rangées de fils de coton sur lesquelles l’ouvrière nouera ses brins de laine. Ces fils sont alternativement passés de chaque côté de deux bâtons dits « de croisure » traversant le métier dans sa largeur, les fils pairs d’un côté et les impairs de l’autre, de manière à produire, à un moment donné, une double nappe. Des cordelettes en forme d’anneaux, appelée’s « lisses», sont fixées, d’une part, à tous les fils de la nappe arrière, et, d’autre part, à un bâton de la largeur du métier et placé à hauteur de la tête de l’ouvrière, appelé « bâton de lisse ». Auparavant, la’ chaîne a été préparée au moyen d’un dispositif spécial appelé «ourdissoir». L’«ourdissage» est une opération assez complexe, car il doit prévoir, outre la longueur du tapis à exécuter, la finesse de celui-ci, c’est-à-dire le nombre de fils de chaîne qu’il doit compter dans sa largeur. La chaîne étant enroulée sur le métier, on suit faci-lement le travail de l’ouvrière, qui est assise à la hauteur voulue par rapport au rouleau du bas, ayant à sa portée 173