Le Palais des Beaux-Arts de Bruxelles abrite actuelle-ment une exposition de la nature-morte hollandaise au xvlie siècle. Les mêmes tons que Rubens employait pour ses nymphes et ses bacchantes, nous les retrouvons dans la chair des fruits et l’éclat des fleurs de tous ces Hollan-dais, fastueux dans leurs apprêts comme en leurs coloris. Les raisins ploient lourdement sur les pêches souriantes, les cristaux reflètent des vins pleins de lueurs d’or ; les poissons, les volailles jonchent les tables en telle exubé– rance que, si nous mesurons l’appétit de ces hommes à l’apparence de leur service, nous songeons avec humilité aux trois pommes de Cézanne d’une si touchante modestie, aux pruneaux crus de Derain, d’une si mélancolique soli-tude. Je ne puis sans effroi imaginer ce que penseront nos neveux lorsqu’ils évoqueront le gros Derain, appliqué à peindre sur la toile les fruits indigents, les tristes filles sans gloire qu’il choisit pour modèles. Les femmes de notre temps sont-elles si laides qu’on les peint unique. ment dans les bruns arrachés aux tranchées, les fruits si tristes qu’ils semblent des échantillons de botanique oubliés en quelque musée d’histoire naturelle. Mais le plaisir existe encore, il le faut seulement cher-cher, et Chardin, qui apparut un temps comme un maître sévère, pourrait sans doute instruire nos chasseurs de nature-morte. On connaît les jugements de Diderot à cet égard. Ses réserves lors du Salon de 1761, << ...imitation très fidèle de la nature avec le faire qui est propre à cet artiste, un faire rude et comme heurté ; une nature basse, commune et domestique. Il y a longtemps que ce peintre ne finit plus rien ; il ne se donne plus la peine de faire des pieds et des mains. Il travaille comme un homme du monde qui a du talent, de la facilité ». Ne croirait-on pas lire la prose de nos Amis du Peuple, assommant l'art vivant au nom de l'art français. Puisse la lumière toucher un jour leurs sens comme elle toucha Diderot qui écrit en 1765: