Il est certain que la composition d’un dîner n’est pas chose facile, et cette attention délicate n’est pas faite pour aider la maî-, tresse de maison dans le choix de son menu. Mais l’on sait que la façon de recevoir est tout un art, et il y a encore des maisons où lé plaisir est pour… les convives. La première réponse qui nous soit par-venue est celle de Clément Vautel, le fin psychologue : « Le plat que je n’aime pas ? « Pour un peu je vous répondrais : PIERRE BRISSON, le critique dramatique du  » Temps ». « Mais je préfère évoquer, tout simplement, le souvenir d’un certain plat de haricots à l’huile de lampe qu’un cuis-tot d’occasion nous prépara pendant les tristes jours de la retraite d’Août 1914 ». Entre deux greffes, le Docteur Voronoff qui n’aime que les petits quadrupèdes, nous déclare qu’il a horreur du «veau ». Maître Campinchi, l’éminent avocat; nous dit : « Je n’ai guère de plats préférés. Tout ce qui vient sur table fait généralement mon affaire et 10 minutes m’ont toujours suffi pour expédier les deux opérations alimen. taires dont l’Humanité a depuis si longtemps contracté l’habitude. « Pour les avocats, les joies du… Palais ne sont pas à table !!! » La mode féminine actuelle ne nous’ autorisait pas à deviner la réponse que la grande artiste Madame Madeleine Vionnet nous fait. Il faut croire que les artifices des couturiers corrigent ce qu’un bon dîner pourrait faire gagner. « J’ai réfléchi à la question que vous me posez, aussi longuement que le mérite un sujet de cette importance, eh bien ! tout compte fait, je crois que le seul plat que je ne pourrais pas aimer serait celui que l’on me servirait vide. » Sur un grand papier noir, le coin gauche alourdi d’un magnifique cachet de cire or aux armes de sa maison, Antoine le célèbre coiffeur nous écrit d’une large écriture blanche « Puisque vous me demandez mon avis, je n’aime pas et j’évite de manger tous les plats qui engourdissent l’esprit. » Van Dongen nous répond spirituellement : « Les plats ratés, les plats d’étain et les pieds plats. » Comme M’ Rob Mallet-Stevens, Pl’ Paul Reboux, n’aime pas les carottes et tous deux nous donnent judicieusement leurs raisons : M. Paul Reboux « Un plat que je n’aime pas ? Les carottes. « N’entendez pas ce terme au sens figuré. « Je trouve que ce légume aqueux, sucré et incon. sistant est tout-à-fait déplaisant s’il n’est pas mêlé à un légume farineux. >> M. Mallet-Stevens: « Pas de carotte !! Tirée elle est antipathique, absor. bée elle est ennuyeuse !! Sa couleur n’est pas franche. Le saumon se flatte d’être rose, la cerise est fière d’être rouge ; sa saveur est faussée. La pomme de terre se pré-sente d’une neutralité agréable, la prune s’affirme nette. ment sucrée ; la carotte, elle, se contente d’une saveur désobligeante pour le palais et par son adjonction au boeuf, elle ne parvient qu’à le rendre « à la mode >>. « Enfin, malgré tous ses défauts je ne l’aime pas. » M. André de Fouquières dîne beaucoup en ville. Aussi les maîtresses de maison qui le reçoivent feront bien de méditer sa 113