la rustique faïence au gai bariolage. Ta verrerie est de cristal, c’est bien entendu. Souviens-toi qu’il est infiniment peu de cas où le verre de couleur est indiqué. Cependant si tu as la chance d’avoir quelque grand Johannisberg, ou si tu réussis impeccablement les flips… • Je lui dirais encore . — Sois gai. C’est l’assaisonnement des bons repas. Sois discret : n’importune pas tes convives avec la qualité de ce que tu leur offres. Elle doit parler pour toi. Admets qu’on puisse ne pas aimer un plat dont tu raffoles. Sur la route, fuis les  » hostelleries  » de mauvais goût, leur décor d’opéra-comique et leur cuisine de Locuste. Si tu découvres un  » bon petit coin » ne le gâte pas en y conduisant tout Paris. N’hésite pas à faire soixante kilomètres de plus pour rendre hom-mage à un de ces reposoirs du gastronome, comme on en trouve encore beaucoup en France. Il est criminel de passer sans s’y arrêter, chez Surgère, chez Parendel, à Tal-loires, ou à Sassenage. Fuis encore la fausse originalité. C’est très joli d’offrir des macaronis bleus. Mais songe qu’à la prochaine occasion ton convive dira : — Encore des bleus ! C’est monotone. Enfin aie le courage de ne pas suivre la mode qui veut que tout le monde parle de l’art culinaire. Ceux qui y brillent ne sont pas toujours les meilleurs gastronomes. Evite de te signaler par ce côté. QL:and on dit d’un homme  » Nous allons chez lui : on y mange si bien « , cela laisse à penser que cet amphytrion n’a pas d’autres attraits que ceux de son chef ou de sa cuisinière. Je prise mieux l’étonnement des convives devant un déjeuner parfait, que l’inévitable déception qui suit une attente alléchée. Et puis enfin, il est parfaitement ridicule quand on n’est pas un professionnel, de se laisser gagner par un goût au point d’en faire une manie. Ne te spécialise pas. C’est un piètre bonhomme que celui qui ne brille que par un côté :  » Un tel a de beaux disques 1 « .  » C… fait les cocktails à merveille « .  » M… tonnait tous les bons res-taurants « .  » T… conduit vite et adroitement « . — C’est tout ? Pauvres gens I Mais toi qui t’habilles bien, ne danses pas mal, ornes ta bibliothèque, choisis tes disques, nages dans un bon style, te meubles avec goût, manges avec science, fais de bonnes moyennes sur la route, toi, tu vises plus haut qu’à une médiocre spécialisation : Tu es l’honnête homme de ce siècle, qui est le plus beau de tous les siècles, puisque c’est celui où tu respires. PIERRE SEIZE. 125